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                  BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.                   4 I J

 abandonné en punition de sa faute. Tous ils repoussent l'in-
 sulte, tous sont braves, moins braves que moi cependant quand
il faut soutenir le premier choc des chevaux de l'ennemi. Si la
faim me presse, je me refuse à l'écouler ; je la trompe, je l'ou-
blie, je la promène, jusqu'à ce qu'enfin je la tue. Je mordrais
la terre comme un loup affamé, plutôt que de subir l'hospitalité
«l'un homme arrogant qui me croirait son débiteur parce qu'il
m'aurait donné quelque nourriture. Je replie donc mes entrailles
sur la faim, comme un fileur tord ses fils entr'eux et les en-
roule sur le fuseau.
   « Dès le matin, je me mets en course, comme un loup au poil
grisâtre, aux flancs amaigris qu'une solitude conduit à une autre.
11 part au point du jour, entortillant la faim dans ses entrailles,
trottant contre le vent, s'érançant au fond des ravins et trottant
de plus belle. Après une quête inutile, quand le besoin l'a chassé
de tous les lieux où le besoin l'avait poussé, il appelle. A sa
voix répondent des loups efflanqués comme lui. Ses hurlements
sont lamentables. On croirait entendre, au désert, ces pleureuses
qui, du haut des collines, gémissent sur la perte d'un époux ou
d'un enfant. »
   Parler de la littérature arabe à propos d'un volume de poésies
turques, citer des poètes d'une nation quand nous avons à
parler des poètes d'une nation voisine, ce n'est pas nous éloi-
gner de notre sujet autant qu'on pourrait le penser ; il y a com-
munauté d'idées, de croyances et de civilisation entre la Turquie,
la Perse et l'Arabie, et les divers peuples de l'Allemagne, par
exemple, n'ont pas plus de liens de sympathie entre eux que ces
trois grandes puissances dont nous voudrions faire connaître
les richesses poétiques. La gloire de Goethe et de Schiller ap-
partient à toute la race teutonique, comme celle de Lamii ou
d'Antar aux peuples qui suivent le Coran.
   Malgré l'infériorité de la poésie turque vis-à-vis des produc-
tions vives et colorées de l'Arabie et de la Perse, M. Servan de
Sugny n'en a pas moins rendu service aux jeunes littérateurs
en leur ouvrant des horizons nouveaux et en les conduisant par
la main dans ces contrées jusqu'à présent fermées à notre