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338 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. ouvre la porte sur cette nature immatérielle et nous met en rapport avec, elle par la communication de la pensée. De là une véritable séquestration, semblable à celle du sauvage perdu dans un îlot de l'océan, loin de toutes les traditions humaines. Tout ce dont la parole est l'instrument essentiel, est nécessairement au-dessus du sourd-muet. L'état de cette âme close est un profond sujet d'études pour les moralistes et les métaphysiciens. Sans doute, elle a toutes les aptitudes naturelles et innées, mais elle les a enve- loppées et endormies. Elle est susceptible de connaître Dieu, la loi, le devoir ; mais c'est une simple capacité ; la notion précise ne peut arriver jusqu'à elle. L'observation générale et constante témoigne de cette relé- gation intellectuelle qui place les sourds-muets à un degré de grande infé- riorité, de nullité, pour ainsi dire, dans l'échelle morale. L'œuvre de dévoûment qui consiste à porter le flambeau au sein de ces ténèbres et à y faire resplendir la notion morale et divine , est analogue à ceile des missionnaires que la charité entraîne sur les points ignorés ou fermés du globe pour y rattacher de pauvres âmes perdues à la loi de grâce. Le missionnaire se résigne aux dures privations, aux pérégrinations loin- taines, aux périls de la mer, et à l'ignorante cruauté des populations même qu'il va secourir. Le bienfaiteur des sourds-muets se condamne aux longs travaux d'une science nouvelle qui a pour objet de vaincre la nature re- belle et de suppléer aux moyens qu'elle a refusés à un trop grand nombre de malheureux qui, pour vivre à nos côtés et au sein de nos familles, n'en sont pas moins isolés et hors des communications religieuses et sociales. Lors même qu'elle ne peut leur rendre le sens dont ils sont privés, la science leur rend la tradition par un moyen factice, et en fait pour la so- ciété des membres qui la comprennent et en pratiquent les devoirs, et pour Dieu des adorateurs qui le connaissent et le glorifient. Telle est la science créée parles de L'Épée et les Sicard, et qui s'est per- pétuée par des continuateurs pleins de zèle, parmi lesquels le docteur .Hubert-Vallcroux tiendra une place distinguée. Les travaux auxquels il a voué une active, studieuse et déjà longue carrière, ont deux parts. La première est l'application de la médecine aux maladies de l'oreille. M. le docteur Hubcrt-Valleroux pense que l'art qu'il professe a des moyens effi- caces, soit pour prévenir, soit pour guérir, ou tout au moins pour atténuer la surdi-mutité que, trop souvent à son avis, on a le tort de" regarder comme incurable. La seconde part de ses travaux et qui a été pour lui l'objet de nombreux voyages en France et à l'étranger, concerne l'organisation et la discipline des maisons d'éducation consacrées aux sourds-muets parla bien- faisance publique et privée.