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FRÉDÉRIC OZANAM. 323 Après avoir aidé à créer cette espèce de sainte ligue, dans la- quelle on se fortifie et se soutient réciproquement par l'exemple, en portant à la famille du pauvre des consolations et des secours, à ses enfants de sages conseils et un appui, Ozanam revint à Lyon, parut quelque temps au barreau, et occupa avec succès une chaire de droit commercial fondée parla ville (1839) ; mais la nature passionnée et chercheuse de son esprit l'appelait vers une sphère plus élevée, où son intelligence pût surtout s'appli- quer à la recherche et à la propagation des vérités chrétiennes. Dans l'intervalle de ses études de droit, Ozanam donna en plusieurs fois à la Revue européenne, estimable recueil mensuel qui a été trop peu connu, ses Deux Chanceliers d'Angleterre, Bacon de Vérulam et saint Thomas de Cantorbéry. Ces frag- ments furent réunis et publiés en 1836 avec une courte préface signée des initiales de M. Edmond de Cazalès, ancien rédacteur en chef de la Revue dont il a été parlé. Le travail historique du jeune et brillant écrivain présentait, à la manière de Plutarque, la biographie de deux hommes qui avaient été dans des situa- tions à peu près semblables, et dont l'un, c'était le philosophe, se montra aussi abject de cœur, aussi bassement cupide, aussi honteusement servile qu'il était grand et élevé d'intelligence, tandis que l'autre, l'évêque catholique, avait su tenir bon devant le pouvoir royal et donner sa vie pour les droits sacrés de l'E- glise. L'idée de cette double étude était neuve, ingénieuse et sin- gulièrement féconde, comme l'observait M. de Cazalès. Notre jeune docteur en droit retourna à Paris pour y prendre le grade de docteur ès-lettres. Sa thèse, qui a été le germe d'un beau livre, traitait de la philosophie catholique de Dante. Ce sujet difficile nécessitait une érudition qui n'est pas d'ordinaire dans le bagage scientifique d'un jeune homme de vingt-deux ans ; mais le candidat s'y montra à la hauteur de son sujet par l'éclat du style de sa thèse, comme par la vive discussion dont elle de- vint l'objet. Ozanam prouvait avant tout que le moyen âge fut en possession d'uue philosophie. Les doctrines de Dante, exposées dans la radieuse vision du poète, n'étaient autres que celles de saint Thomas d'Aquin et de saint Bonaventure. Le jeune écrivain