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226 ÉLOGE DE LOUIS-GABKIEL SUCHET. ment de hameaux ou de maisons de campagne. Le genêt et la bruyère envahissent des contrées entières. Ces terres in- cultes servent, il est vrai, à nourrir les troupeaux immenses qui enrichissent l'Espagnol de laines fines dont il ne sait se vêtir qu'à l'aide de l'industrie étrangère ; mais la culture vrai- ment utile, celle qui alimente et multiplie la population , est renfermée dans d'étroites limites » Quand on a lu ces Mémoires, quand on connaît la vie de l'auteur, on voit que Suchet n'était pas seulement guerrier, parlant de ses batailles rangées et de ses prises de villes; qu'il n'avait pas seulement le cœur d'un héros, célébrant les grands exploits et les grands dévoumenls de l'héroïsme , mais qu'il y avait encore en lui la tête d'un philosophe, car sa sagesse est l'âme et la base de ses récits ; qu'il était législateur, car il comprend les lois qui régissent les rapports des hommes en- tr'eux ; qu'il était historien, car ses récits naissent de la vé- rité historique ; qu'il était éloquent, car il discute et haran- gue ses soldats et ses personnages ; qu'il était voyageur , car il décrit les pays parcourus par lui, les montagnes , les fleu- ves , les monuments, les mœurs du peuple espagnol ; qu'il connaît la géographie , l'agriculture, les arts, les métiers ; qu'enfin il était un homme pieux , car il parle du ciel autant que delà terre. Ce n'est pas dans ces Mémoires qu'il faut chercher les hauts faits du héros. Il n'en est pas parlé ; il y renvoie , avec un désintéressement de gloire exemplaire, le mérite de ses cam- pagnes aux généraux et officiers qui l'ont si habilement secon- dé : les bulletins de l'armée seuls retentissent de ses exploits, pages glorieuses de la vie du héros ; les uns rendent hommage à son intrépidité, les autres à sa haute intelligence, tous à son noble caractère. Il faut lire dans ses propres pages les récits de ses médita- tions, de ses sensations, de ses jours et de ses veilles, et les