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224 ÉLOGE DE LOUIS-GABRIEL SUCHET. triste, en embrassant de toutes parts l'espace aride et soli- taire. Quand on s'élève sur le sommet de quelqu'une des nombreuses montagnes qui traversent l'Espagne, on n'aper- çoit sous un ciel presque toujours ardent que des plateaux in- cultes et des pentes nues, dont rien de vivant ne coupe l'uni- formité. Seulement au fond des vallées une rivière ou un ruis- seau serpente au loin , entouré d'une lisière de verdure , où l'on suit comme à la trace les moissons, les plantations et les habitations des hommes. Une carte enluminée , présentant la forme de tous les bassins, les eaux avec une teinte d'azur, et leurs bords avec une teinte verte plus ou moins large, serait un tableau fidèle où l'on pourrait reconnaître l'état réel de ce territoire qui, a peu près égal en surface à celui de la France, ne contient cependant et ne nourrit qu'une population à peine égale au tiers de la nôtre. On embrasserait d'un coup d'œil, comme par l'anatomie, les veines et les artères de ce grand corps , qui manque d'embonpoint, mais qui a encore des nerfs et des muscles, si l'on ose employer une telle com- paraison, et dont la structure présente une charpente taillée pour la grandeur et la force. « En effet, la péninsule d'Espagne, appuyée sur de solides fondements , se couvre de hautes chaînes prolongées dans tous les sens, et semble un grand promontoire entre les deux mers qui la baignent. Inclinée au levant et au couchant, elle se divise naturellement en deux pentes inégales, celle de l'Ebre et de quelques courtes rivières qui coulent vers la Méditer- ranée, et celle qui porte à l'Océan les eaux du Guadalquivir, delà Guadiana, du Tage et du Duero. A partir du bord de la mer, des plaines basses, d'une fertilité et d'une culture ad- mirables, forment la base de l'amphithéâtre. On s'élève par des vallés cultivées en huertas au-dessous des eaux, en seca- nos au-dessus, et l'on arrive sur une première chaîne. Mais au-delà , on ne descend point, comme à l'ordinaire , dans une