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              ÉLOGE DE LOUIS-GABRIEL SUCHET.                 221
une égale facilité d'un sujet à un autre. L'agriculture est
l'objet de son attention le long des roules. Il visite les ha-
meaux, les vallées, les collines. Les vieillards qu'il rencontre
lui font le récit de leurs inquiétudes et de leurs espérances,
lui parlent de leurs récoltes et de leurs troupeaux. Ils savent
que, s'il excelle dans l'art terrible des combats, nul ne le sur-
passe dans la science plus rare de faire le bien. Le maréchal
s'enquierl de leurs besoins, de leurs méthodes de culture,
jette un regard bienveillant sur leur situation , porte atten-
tion sur les modes de labour, de transport et d'attelage.
   Il évoque tous les souvenirs des lieux qui passent sous ses
yeux, souvenirs des luttes de l'indépendance des anciens
habitants de l'Ibérie contre la tyrannie des Romains. On y voit
que, bien que sa situation exigeât une surveillance constante,
elle ne l'empêchait pas de trouver des loisirs pour satisfaire le
penchant qui l'entraînait vers les recherches historiques.
   L'Espagne est un sujet continuel et inépuisable d'études :
plus on s'approche d'elle , cherchant à soulever le voile qui
couvre ses destinées fabuleuses, plus l'esprit est vivement sol-
licité, plus il se laisse aller a la suivre dans les innombrables
vicissitudes de sa fortune. Elle a traversé, en effet, tous les
hasards qu'une nation peut traverser : tour à tour victorieuse
ou abattue, elle a connu l'enivrement de la gloire et l'amer-
tume des revers, l'orgueil que donne la force et la tristesse de
l'impuissance ; chaque transformation successive lui a coûté
assez de sacrifices et de souffrances ! Dans ce spectacle de
conflits soudains, d'épreuves vaillamment, héroïquement sup-
portées , ce n'est pas l'imagination seule qui est séduite par
l'imprévu des péripéties, par l'aspect de mœurs pittoresques,
 de coutumes bizarrres, de caractères énergiques produisant
 dans leur choc des effets éblouissants. La raison sévère et
 calme y trouve aussi ses fruits à recueillir : sondant plus pro-
 fondément les faits, elle remonte à leurs causes, les compare,