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214 ÉLOGE DE LOUIS-GABRIEL SUCHET. tolérante, qui accroissait l'attachement par l'estime. Passionné pour la prospérité de l'Etat, on sait de quel zèle il était animé partout où il la croyait intéressée. On sait qu'aucune considération ne put jamais lui faire dissimuler son sentiment dès qu'il était question du bien public; exemple rare à la cour, où ces mots de bien public et de service du chef de l'Etat ne signifient guère dans la bouche de ceux qui les em- ploient qu'intérêt personnel, jalousie et avidité ! Appelé dans les conseils de la couronne, nous ne dirons pas par ses hautes dignités, mais plus honorablement encore par l'estime et la confiance du souverain, c'est là qu'il faisait briller également et ses talents et ses vertus ; c'est là que la droiture de son âme, la sagesse de ses avis et la force de sa parole, consacrée au service de sa patrie, comme l'avait été son épée, ramenèrent plus d'une fois toutes les opinions â la sienne; c'est là qu'il eût étonné, par la solidité de ses raisons, ces esprits plus subtils que judicieux, qui ne. peuvent com- prendre que, dans le gouvernement des étals, être juste soit la suprême politique. Hdlons-nous d'arriver à ces doux moments de sa vie, où, tout à fait retiré du monde, il lui fut permis, dans sa charmante solitude de Saint-Just, près Vernon, sur les bords riants de la Seine, de s'abandonner tout entier aux penchants de son cœur et aux vertus de son choix. Il n'était point de ceux qui ont besoin de l'embarras des affaires pour remplir le vide de leur âme. Contemplons la belle harmonie de sa vie privée, l'antique simplicité de son caractère domestique. Tous ceux qui eurent le bonheur d'être admis dans son intérieur s'ac- cordent à dire qu'on n'en vit jamais de plus orné par les grâces et l'esprit, en même temps que de mieux gouverné par la raison et par la bonté. 11 vivait là dans les douceurs d'une société paisible, à côté d'une épouse dont il était adoré, de trois enfants chers h son cœur, dont il faisait l'éducation