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172                     CHRONIQUE ARTISTIQUE.
surmontés de lourds chapiteaux d'un style ionique impossible, et qui pa-
raissent trembler sous le poids de la tribune ?
   Il serait digne de l'Administration de donner à cette église toute la splen-
deur dont elle est susceptible. Le modèle est tout trouvé, c'est l'église de
Saint-Polycarpe. Tous les ornements , d'un blanc mat, rehaussés d'or , se
détacheraient sur une teinte générale d'un ton doux et calme. On pour-
rait mettre dans les fenêtres de la nef des verrières en grisailles, le style
de l'édifice ne se prêtant pas aux vitraux de couleur ; puis on relèverait
toutes les grilles dont les parties ouvragées, seraient dorées ou argentées.
L'église de l'Hôtel-Dicu deviendrait ainsi un vrai bijou.

   Nous signalons avec plaisir le nouveau progrès qu'ont fait les saines doc-
trines de l'art dans les restaurations de nos édifices religieux. L'église de
Saint-Bonaventure s'est enrichie dernièrement d'un nouveau buffet d'orgues
que nous avouons être d'un beau travail, quoique nous n'en approuvions
pas tous les détails. On l'a placé au fond de l'apside ; c'était une tentative
délicate, car on s'exposait à masquer de belles verrières. M. Benoit a su
vaincre la difficulté en faisant exécuter un buffet dont l'ingénieuse dis-
position laisse parfaitement à découvert les grandes fenêtres de l'église.
Nous voudrions bien passer sous silence le vitrail qu'on a posé dans la
chapelle de Notre-Dame-de-Pitié, mais il écrase la vue et force est à nous
d'en dire notre avis. Eh bien ! nous ne pensons pas qu'on ait jamais à se fé-
liciter de cette page qui fait, bien malheureusement, suite aux belles ver-
rières du chœur, à l'Ensevelissement du Christ, à sainte Elisabeth, etc.

   Ce vitrail représente le portement de croix; l'attitude d'un homme tombé
par terre n'est certainement pas de celles qui sont le plus empreintes de
noblesse et de dignité ; c'est toujours fort triste de se traîner sur les mains
et les genoux et ce n'est jamais beau. Sidonc un artiste se trouve force do
reproduire une scène de cette nature, ildevra reporter sur la physionomie
loute la beauté d'expression qui manque à l'attitude générale; c'est ce
qu'a fait Raphaël dans son portement de croix où notre Seigneur , jeté con-
tre terre , relève une tête dont la face est si belle de douceur et de résigna-
tion , qu'on ne s'aperçoit pas de l'ignoble posture que sa croix lui a faile.
   Ici, au contraire, nous avons une tète sans dignité, d'un galbe commun,
et, ce qui est le pire, dessinée de profil. Ce n'est pas tout; le personnage du
Christ placé sur le premier plan est plus petit que les soldats placés sur le
second. Il en est de même de la Vierge, dont les proportions sont si peu
étudiées qu'on ne sait s'il lui manque une partie du torse ou des jambes :
joignez à cela une pose raide et une ligure d.'une sécheresse sans égal