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170                        CHRONIQUE ARTISTIQUE.
suyer ses larmes : -on appelait cela Notre-Dame-de-Pilié ; était-ce à tort ou
à raison ? Toujours est-il que la pitié, après s'être fait longtemps attendre,
est enfin venue, et qu'on a remplacé cette pleureuse désespérée par la vraie
Nolre-lJame ou la Vierge Marie venant de recevoir le corps de son Fils déta-
ché de la croix. Ce sujet a exercé fort diversement le talent des artistes. Les
uns ont représenté le Christ assis sur les genoux de sa Mère , qui s'efforce
de le soutenir et l'empêche de s'affaisser sur lui-même. Ce tableau, où deux
corps, dans une situation verticale , luttent l'un d'efforts, l'autre de pesan-
teur, est d'un aspect fatiguant et disgracieux.
   Des statuaires de mérite ont adopté un second parti : ils ont étendu le
corps du Christ aux pieds de sa Mère, en relevant un peu le torse et le fai-
sant appuyer, par le bras et l'épaule , sur les genoux de cette dernière. Si
nos souvenirs sont fidèles, c'est la pensée du célèbre Coustou dans le groupe
placé derrière le chœur de Notre-Dame, à Paris ; c'est encore la pensée du
vitrail de la chapelle de Saint-Vincent-de-Paul dans l'église de Saint-Jean.
   Enfin un troisième parti , susceptible d'une symétrie harmonieuse , mais
d'une plus grande difficulté d'exécution , est celui qu'a choisi M. Fabisch.
Le corps du Christ est étendu , de gauche à droite, sur les genoux de la
Vierge ; les jambes, abandonnées à leur pesanteur naturelle , tombent jus-
qu'à terre en se croisant un peu vers leur base ; les épaules s'appuient sur
le genou gauche de Marie, en laissant tomber en arrière un des bras, tandis
que la Vierge soutient la tête , en la faisant incliner légèrement de face-
Cette manière d'envisager le sujet fournit deux belles éludes : Etude d'ex-
pression. — C'est une douleur de mère         Vous qui passez , voyez s'il est
une douleur semblable à la mienne (1). C'est une douleur résignée ; il fallait
que le Christ mourût (2). Etude plastique.—C'est un corps privé de vie,
mais qui ne doit rien avoir de la rigidité et de l'affaissement cadavérique ;
c'est un corps de trente-trois ans... de formes parfaites , corps uni à la di-
vinité.
   L'artiste a-t-il rempli ce cadre magnifique ? Formuler un oui ou un non ,
ce serait entourer du même cercle les goûts les plus divers, et leur dire :
Tu ne sortiras pas de là. Qui peut le faire ? Il nous semble que l'étude ana-
lomique du corps de Jésus ne laisse rien à désirer       M. Fabisch a donné
à ce corps inanimé une grande souplesse : il a su éviter une certaine exa-
gération 'musculaire que quelques écoles de sculpture regardaient comme
l'expression du beau. Dans un corps mort il n'y a pas de vie, donc pas de


  (1) Jërémic.
  (a) Actes des Apôtics.