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104            ÉLECTION D'UN ABBÉ DE SAVIGNY.

carder le secret sur les circonstances de l'élection. D'après l'or-
dre du grand prieur, le notaire Bonpain lut à haute voix les
lettres citatoires ; en outre, il fit d'abondant appeler devant la
porte de l'abbaye , par le frère Louis de Lavieu, tous ceux qui
avaient droit d'élection , tant les présents que les absents. On
prit ensuite le nom de chacun, en tenant note de ceux qui
étaient chargés de délégations.
   Deux de ces délégations méritent une mention particulière ;
mais, avant d'en parler, il convient de faire connaître quelques
faits essentiels. Lorsque Guillaume d'Albon mourut, il y avait
fort longtemps déjà qu'il était malade, et sa succession était
convoitée d'avance par deux personnes. La première était un de
ses neveux, appelé Jean d'Albon, prieur de Mornant et d'Àrnas,
qui le suppléait habituellement, et qui paraissait réunir toutes
les chances ; nous verrons, en effet, qu'il fut nommé : le titre
d'abbé de Savigny fut même conservé presque héréditairement
 dans sa famille pendant deux siècles , transmis qu'il était in-
variablement de l'oncle au neveu. L'autre compétiteur était An-
toine de Balzac, moine de Cluny, prieur d'Ambierle, plus tard
évêque de Valence et de Die. Ce dernier était frère de Roffec de
Balzac, qui avait épousé deux ans avant Jeanne d'Albon, fille
d'Antoine d'Albon, cousin du dernier abbé, mais d'une autre
branche ; Roffec, usant de l'influence que son mariage lui don-
nait dans le pays, mit tout en œuvre pour faire réussir l'élection
de son frère. C'est ce que nous allons voir par l'analyse des deux
procurations dont nous avons dit un mot.
    La première, donnée par Etienne de Lorgue, prieur de Ter-
nant, est datée du 9 avril 1455, c'est-à-dire de près d'un an
avant la mort de l'abbé Guillaume. Etienne y déclare qu'il est
 sujet à une grave maladie, appelée vulgairement la migraine
 (migrana), qui ne lui permet pas d'aller à cheval, et pourrait
l'empêcher de se rendre à l'abbaye s'il venait à y avoir une
 élection d'abbé à faire. En conséquence, il charge Guillaume
 Aroud [Arodi), chamarier, et Etienne Grolier [Grolerii), célérier
 de Saint-Laurent-d'Oingt, de le représenter dans cette circons-
 tance. L'acte fut rédigé à Bagnols, en présence de noble per-