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                           PÉLOPONÈSE.                            75
 d'une voix ferme une chanson guerrière, chant de Kleptes qui
 fut le signal de plus d'un combat contre les Turcs ; elle cherchait
 ainsi à tirer son père de la torpeur de la fièvre par l'action puis-
 sante que cet hymne de guerre devait avoir sur lui, en faisant
 vibrer, tout à la fois et ses nerfs engourdis par le mal, et son
 cœur inquiet, aux souvenirs d'indépendance, de gloire et de
 combat que ces paroles éveillaient en lui ; elle s'efforçait ensuite
de calmer l'agitation engendrée par ce rhythme énergique et
bruyant, en lui faisant succéder une de ces mélodies sauvages
et mélancoliques qu'on retrouve sans cesse dans la bouche des
Grecs, et par lesquelles ils pleurent une femme aimée, un frère
d'armes regretté ou la patrie absente. Le malade éprouvait en
effet un véritable bien-être, et, nous apercevant, il dit à sa fille.-
 « Il y a des hommes ici ? Qui sont-ils ? mon enfant ? » Et celle-
ci, avec toute la charmante poésie de son langage : « Ce
 sont des étrangers ; je les ai reçus moi-même, leur arrivée
m'a rendue toute joyeuse et me paraît un heureux présage; car
c'est Dieu qui conduit les hôtes chez ceux qu'il veut bénir.
Pourquoi ne sont-ils pas allés chez Zorzi qui est plus riche que
nous et peut offrir plus de choses, ou chez Nikolakis qui tient
un hôtel pour les voyageurs? C'est que la Providence nous les
réservait. Aussi leur ai-je servi des figues fraîches , des
raisins, du pain et notre vin le meilleur. Soyez tranquille ,
mon père, endormez-vous , vous allez guérir. » En disant
cela, elle vint voir si rien ne flous manquait. Le guide eut alors
la malencontreuse mais nécessaire idée de préparer notre dé-
part. S'il avait attendu mes ordres, je ne sais point quand je les
aurais donnés, car ce toit hospitalier avait pour moi un charme
indéfinissable. Quelques instants après nous partions au ga-
lop ; je voulais étourdir mes regrets par la rapidité de ma fuite.
La nuit était close depuis longtemps, lorsque nous fûmes de
retour au khan de Vourlia. De là, je pus revoir encore cette
vallée de Sparte où j'avais trouvé tant d'impressions de toutes
sortes. L'antiquité, l'avouerai-je? s'effaçait en ce moment de
mon souvenir; des ombres plus douces que l'ombre austère de
Lacédémone surgissaient à mes yeux du sein de la nuit. Je me