page suivante »
40 ÉLOGE DE LOUIS-GABRIEL SUCHET. fut enlevé le 14 janvier 1789 à l'amour et au respect d'un enfant qui, plus tard, allait payer de gloire les dettes de son cœur, immortaliser le nom de Suchet, et faire de la villa la Mignone une grande mémoire. Suchet, encore dans l'âge de l'adolescence, resta seul dans celte maison où il avait tant reçu et tant perdu. La sagesse suppléa en lui les an- nées; la famille de son père et de sa mère, reconnaissant qu'il avait les qualités pour se bien conduire et sagement administrer ses biens, s'empressa de le faire jouir des avan- tages que les lois accordèrent toujours aux mineurs éman- cipés. Suchet put continuer ainsi les affaires commerciales, dont il sembla accroître la renommée, comme son père l'avait présagé en mourant. Il conserva avec son frère le commerce paternel sous la raison sociale de Suchet frères. Leurs comptoirs furent alors transférés dans la maison To- lozan, port Saint-Clair. Mais pour qui connaissait les ins- tincts et le caractère du jeune négociant, il était facile de s'a- percevoir que le négoce n'était point conforme à ses goûts et à ses penchants. Il aimait autre chose et brûlait d'une autre ambition. Naturellement plein de grâces, l'air ouvert, la physionomie noble, le regard doux et pénétrant, avec des cheveux noirs, longs et soyeux, flottant sur les joues, on ne le voyait pas avec indifférence. Lorsque le sommeil des- cendait sur ses yeux, ses batailles futures se levaient dans ses songes. Les parents et les amis qui lui restaient, et sa gouvernante y croyaient. Toutefois ceux-ci s'efforçaient de lui rappeler l'exemple de son père et ses travaux dans un commerce honorable et opulent. Deux années se passèrent ainsi ; alors la révolution éclatait et prenait le jeune négociant au milieu du bouleversement universel. Elle lui communiquait, comme on peut le penser, toutes les impressions de cette époque pleine d'énergie et de patriotisme ; il saluait avec transport les premières heures