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ÉLOGE DE LOUIS-GABRIEL SUCHET. 31 Or, il est peu de moments dans les annales où elle ait eu autant de bravoure et de hauts faits à admirer et à récompenser, qu'à une époque fameuse , par laquelle s'ouvrent , en quelque sorte , nos temps modernes. Les victoires remportées par les armées françaises vers la fin du xvme siècle, et pendant les premières années du siècle suivant, les héros qu'elles ont produits, l'ère immor- telle du Consulat et de l'Empire rappellent de si grands souvenirs que les passions politiques s'en sont emparées avec ardeur pour justifier tous les actes de la révolution. Quel contraste cependant entre les camps et les assemblées maîtresses de la France ! Là , le courage , l'abnégation , le patriotisme ; ici les luttes de l'ambition et de la haine , toutes les profanations ordonnées au nom de la liberté et des droits de l'homme , la délation et l'échafaud , dernière raison du parti triomphant. La gloire militaire , si grande à cette époque , sut bien se faire jour, malgré la compression exercée par le Gouvernement révolutionnaire qui cherchait à la maintenir dans l'ombre, tandis qu'elle la rehaussait et atténuait l'horreur des attentats du pouvoir. On a voulu depuis attribuer à ce Gouvernement les nobles efforts qui furent tentés alors contre l'étranger et qu'il faut rapporter uniquement au génie de la nation. La France, en 1792 , commençait à être fatiguée de ses discordes stériles , lorsque les factions, résolues à fomenter une perturbation générale , provoquèrent les rois de l'Europe , qui répondirent par des menaces d'invasion , au lieu de laisser la révolution se con- sumer par ses propres excès. Les tribuns eurent dès ce jour un levier pour soulever les haines , pour abattre la royauté et s'élever eux-mêmes sur ses ruines. Il leur fut aisé d'exalter le patriotisme d'un peuple fier et impression- nable , en lui inspirant des craintes sur son indépendance. Toutes les forces vives se portèrent aussitôt vers la frontière,