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740 LA REVUE LYONNAISE AU CAPRICE DE LA PLUME, par STEPHEN LIÉGEARD. (Études, fantaisies, critiques), in-18. Paris, Hachette, 1884 (2* édition). La mode est aux recueils d'articles, ne nous en plaignons pas. Il y a souvent plus d'éloquence, de spontanéité, de franchise d'impression dans une page ins- pirée au hasard de la vie que dans un livre pour lequel on abusera de ses veilles. M. Stephen Liégeard, le poète des Grands Cœurs, l'historien-touriste de VEngadine, nous avait révélé depuis longtemps aussi par de belles pages que publiait son journal Le Pays et que reproduisait le Figaro, un maître écrivain, critique et humoriste. Tout ce qu'il écrivait ainsi au Caprice de la plume, soit à Paris, soit dans sa terre de Chambertin ou sa villa des Violettes, à Cannes, il le réunit aujourd'hui chez Hachette en un beau volume de 400 pages. En disant aujourd'hui, je cher- che à m'excuser. Voici bien six mois qu'a paru ce volume, et j'apprends qu'on en met sous presse une seconde édition. Mais l'heure passe, on s'oublie à rêver, et certains livres qui vous ont fait passer en leur compagnie des heures charman- tes, — je suis dans le même cas pour Y Irréparable, de M. Paul Bourget, — se- raient en droit d'exiger de vous l'aumône illusoire d'un sourire, quand on leur en promettait cent. Malgré le charme très réel de certaines fantaisies de M. Liégeard : l'Esprit delà Cuve, les Rosières et l'Institut, le Centenaire de lord Brougham, Mort sous les Fleurs, douce apothéose du jeune duc d'Albany, j'ai goûté plus de plaisir littéraire aux Études et Critiques, cette seconde partie du livre. D'abord j'y avais des amis : Mistral et Mireille, Verdaguer et l'Atlantide, et puis je de- vais apprendre à y mieux connaître trois académiciens généralement méconnus : Nisard orateur, Mezières et Marmier. Bien que l'amitié ait visiblement inspiré quelques-unes de ces pages, jusqu'à influer sur le style et les goûts de l'auteur, — trop académique parfois, — la critique sévère, n'en est jamais absente et les envolées du poète s'y retrouvent à chaque pas. Dans les deux chapitres consacrés à Mireille et à Y Atlantide, que je viens précisément de relire, foisonnent de ces expressions picturales à la Saint- Victor que gardera certainement l'Histoire des Félibres. — Constatant, par exemple, quelle a été la fortune du poète de rencontrer Gounod après Lamartine : « Et ainsi, s'écrie M. S. L., toujours une Muse succédant à une autre muse, comme si les Filles de Mémoire s'étaient donné le mot pour échelonner devant l'Homère de Maillane sur le chemin de la Postérité, — en voici venir une autre qui, souriant à Mireille la brune, veut de la pointe de son burin fixer à jamais dans le souvenir des âges l'impérissable image de laNausica provençale. » Au nom jeune et déjà connu du graveur Eugène Burnand, on pourrait ajouter ici ceux d'Hébert et d'Amy, le sculpteur, qui ont fixé en traits impérissables l'image de Mistral. Cette édition de Mireille illustrée enchante singulièrement le critique, et pour le talent du graveur, « qui peut désormais braver l'oubli », et pour la pagination merveilleuse du texte. « Voici d'abord s'égrener les rimes d'or de la strophe de Mistral, qui compte autant de vers que la flûte de Pan comptait de roseaux ou la lyre de cordes..., » N'avez-vous pas là comme un écho ^'Hommes et Dieux ?