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             LETTRES DE BERNARD DE LA M O N N O Y E                                 7
l'année prochaine et ainsi de six mois en six mois, tout le tems de votre vie.
Vous me saurez un jour bon g r é de vous avoir accoutumé à une conduite réglée
de laquelle vous vous trouverez bien. Je vous invite à faire de bonnes lectures,
à exercer le précieux talent de votre mémoire, et à remplir le mieux qu'il
vous sera possible vos devoirs religieux. Votre mère et vos sœurs vous embras-
sent. Votre frère aussi se recommande fort à vous, de même que moi qui suis
votre très affectionné père.
                                                     DE LA M O N N o Y E .

   Mes respects au R. P. gardien et à M. le lieutenant Joly.
   Vous attendrez qu'il se présente quelque commodité pour me faire réponse.




                                          II
                                                      A Dijon, le 18 aoust 1705,

   Votre dernière lettre, mon fils, ne demandant point de réponse, j'attendois
que l'occasion se présentast de vous écrire utilement. Il s'en offre une aujour-
 d'hui telle que vous et moi nous la pouvions souhaiter. Vous saurez que votre
 mère a un oncle en Picardie nommé M. Le Ragois 1 , chanoine et théologal à
 Saint-Quentin, ville à trente ou trente-cinq lieues de Paris. C'est vin homme de
 mérite, bien fait de corps et d'esprit, et qui joint à beaucoup de vertus beaucoup
de capacité. Il y a plus de vingt ans qu'il n'étoit venu à Dijon, se contentant de
 nous écrire quelquefois, de nous faire des offres de service et de nous donner de
temps à autre des marques de son souvenir. De notre côté aiant su qu'il alloit
assez souvent à Paris où il a des habitudes considérables, nous avons informé
votre frère de ces particularitez. et avons si bien fait qu'ils se sont enfin vus et
embrassez, jusque-là que votre frère a fait un voiage à St.-Quentin, où il a été
parfaitement bien reçu, et étant tombé malade, y a été traité avec tout le soin
et toute la bonté qu'un neveu chéri peut attendre d'un oncle cordial et généreux.
L'amitié s'est depuis conservée et augmentée. M. l'abbé Le Ragois nous a écrit
plus fréquemment, nous témoignant même qu'il vouloit avoir la satisfaction de
voir encore une fois tout au moins la Bourgogne sa patrie. 11 nous a tenu parole
en sorte que nous avons présentement l'honneur de le posséder. Il arriva ici le
dimanche neuvième de ce mois dans une chaise à lui à deux chevaux conduite par
un de ses valets. Comme peu de jours avant son départ de Paris il avoit eu un
accès de fièvre, et qu'il ne l'avoit arrêtée que par le quinquina, elle est retournée
et il a été obligé pour se guérir, d'user ici du même remède. Nous en espérons
un bon effet, mais nous appréhendons aussi qu'au moment que M. l'abbé se p o r -
tera mieux, il ne prenne la pensée de nous quitter. Nous ferons ce que nous
pourrons pour le retenir. Châtillon se trouvant sur sa route, il a témoigné
avoir envie de vous y voir en passant. Le jour de son départ est incertain, et
par conséquent celui de son arrivée. J'ai été par provision bien aise de vous


1706. La charge de lieutenant particulier aux bailliage et chancellerie de la Montagne
(Châtillon-sur-Seine) était depuis longtemps dans sa famille.
  1
    Parent de l'abbé Le Ragois, précepteur du duc du Maine, auteur d'une mé-
diocre Histoire de France.