page suivante »
236 LA REVUE LYONNAISE tous les talents, où les germes intellectuels grandissent pour paraître à la lumière, et j'ajouterai en termes très brefs et très nets que bien des hommes éminents d'aujourd'hui seraient encore inconnus, et n'auraient peut-être jamais embrassé la carrière qui devait les conduire aux sommets s'ils n'avaient passé à Lyon quelques instants de leur existence. Après les Coustou, après Flandrin, après Laprade, nous avons des Meissonier, des Puvis de Chavannes, des Soulary, nous pouvons revendiquer les Daudet et les Zola, les Tony Révillon et les Le Royer, etc., etc., et l'infinie pléiade des noms en vedette dont l'acte de naissance porte Lyon. — Et n'avons-nous 'pas Pierre Dupont, le plus grand chansonnier de France?... Hélas! pauvre Pierre, qui attends encore la statue que des amis trop dévoués auraient édifié de leur propre chair! — On me prie cependant d'affirmer qu'au commencement de la pro- chaine année Pierre Dupont sera enfin immortalisé, grâce aux concours de Paul Arène, d'Armand Silvestre, de Paul Marièton, de M. Kaempfen, directeur des Beaux-Arts, qui obtiendrait un marbre de l'État, et grâce aussi à un sculpteur dévoué, ami de notre cher poète... La prédominance des Lyonnais dans toutes choses est telle, leur envahissement est si remarquable, que la qualité de Lyonnais est devenue synonyme d'audacieux. Aussi les gens du Nord et de Paris les blaguent-ils assez, ces pauvres rhodaniens, avec leur ville embrouillardée ! Ils essaient de chasser cette obsession du Lyonnais par la raillerie, si ce n'est par quelque rage impuissante bien basse et bien jalouse, et tout en allant criant haut : « Les Méridionaux nous envahissent »; ils pensent que les Lyonnais les envahissent encore plus, et que d'ailleurs tous les méridionaux ont passé par Lyon. Et qu'est-il arrivé de ceci? Tout simplement que nous autres, rhodaniens, avons formé une coalition contre les étrangers au milieu desquels nous vivons. Nous nous sommes insurgés contre cette stupide jalousie des comparses de lettres qui voulaient nous mettre au rancart, nous jeter hors de la lice parce que nous som- mes nés dans une ville plutôt que dans une autre, nous avons serré nos rangs, et nous avons poursuivi courageusement, le combat contre ces idiots d'exclusivisme et contre la vie, enfin !