page suivante »
BIBLIOGRAPHIE 7?7 encore : si, à Rochefort, la société populaire est réduite à prendre le bourreau pour président, dans les villages on fuit devant cette petite féodalité.de sans- culottes, comme quatre siècles plus tôt les gens de poésie fuyaient devant les routiers des grands seigneurs. Mémorable et triste exemple ! En 1793, il a suffi d'une troupe de brigands pour terrasser la France et lui mettre le pied sur la gorge. Enfin, le jacobinisme n'est pas mort seulement parce qu'il était décrépit et qu'on Ta tué, il est mort surtout parce qu'il n'était pas né viable, parce qu'il avait fait un Etat acéphale et dont il avait chassé l'âme. Ce qui maintient une société politique, c'est le respect de ses membres les uns pour les autres,, le respect des gouvernés pour les gouvernants et des gouvernants pour les gouvernés et la certitude que ni les uns ni les autres ne violeront leurs droits réciproques. Or, quel respect et quelle sécurité pouvaient inspirer les Jacobins, qui avaient bâillonné et saigné à blanc la nation et qui s'étaient, entre eux-mêmes, traits comme des Gains ? Avant de naître, le corps social qu'ils rêvaient était dissous ; pas un seul de ses chefs ne pouvait compter, sans la Terreur, je ne dirai pas sur l'estime ou l'affection, mais sur l'obéissance de cent Français. L'armée avait, au contraire, gardé la discipline des cœurs, et son chef n'eut qu'à faire un signe ; elle balaya, labayonnette en avant, les derniers jacobins. Ne nous étonnons donc point que la France ait ou si grande hâte de se transformer en une caserne : c'est d'une caserne que sont sortis ses libérateurs. Telles sont les grandes lignes du nouveau volume de M. Taine : je n'ajoute rien, car tout le monde le lira. HENRI BEAUN E. I.E CARDINAL DE BERNIS depuis son ministère (1758-1794), par FRÉDÉRIC MASSON — Paris, E. Pion, Nourrit et C'e 1884. 1 vol. in 8". Sainte-Beuve aurait certainement taillé sa plume pour rendre compte de ce livre qui lui aurait plu par trois côtés: il est plein de documents nouveaux, des moins suspects, puisqu'ils sont tirés des archives de la famille de Bernis et du dépôt des Affaires étrangères, ainsi que de divers manuscrits empruntés aux collections publiques ou privées ; il est de plus l'œuvre d'un homme depuis long- temps familiarisé avec son sujet, puisqu'il sort de la plume de l'éditeur des Mémoires du célèbre cardinal ; enfin l'un de ses principaux chapitres est consacré à la suppression des Jésuites, l'événement le plus considérable peut-être de tous ceux qui ont précédé de quelques aimées la Révolution française à laquelle il ne fut pas étranger. Quelle pâture attrayante, quel regain de venimeuses épigrammes pour l'historien de Port-Royal, surtout pour le Sainte-Beuve de la seconde manière et des fameux discours au Sénat! Quel charme d'étudier par le menu toutes les petite causes qui produisirent un si grand effet, de suivre le fil délié des négociations diplomatiques, etde surprendre jusque dans les affaires religieuses, qui semblent le plus en dehors et au-dessus du siècle, le ressort caché des passions humaines! L'auteur des Causeries du hindi eût donc applaudi au nouvel ouvrage de M. Frédéric Masson, qui est, en réalité, nourri, bien enchaîné et bien fait, si l'on a surtout égard aux matériaux employés; il en eût goûté les piquants détails dont il'ne se serait pas privé du malin plaisir d'aiguiser la pointe; il en eût même