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                   LE DOMPTEUR DE CHATS                          459
cher à coup sûr que Joseph, par ses frères, à la caravane ismaé -
lite, — le petit Régis n'avait guère plus de sept ans. Ghétif,
malingre, souffreteux, il mesurait deux pieds de hauteur; mais sa
tête énorme rendait plus apparente encore l'exiguïté de sa taille ;
difforme, avec une épaule très grosse, les jambes arquées en cer-
ceau, les bras démesurés, il avait toutefois une figure sympathi-
que; de grands yeux noirs, de très grands yeux, très noirs, avec
de fins sourcils à la chinoise ; une bouche mignonne, aux lèvres
retroussées ; des joues d'une pâleur dorée, pailletées de lentilles
rousses ; et ses cheveux, frisés en grosses boucles blondes, volti-
geaient, ténus comme des fils de la Vierge.
   Il eut peur, l'enfant, de la voix tonitruante de Gueule de fer.
Mais quand on l'eut habillé du maillot bleu de ciel, d'une trousse
de satin blanc et d'un justaucorps de velours cramoisi, chargé de
pampilles, de franges, de grelots, d'étoiles d'argent; quand on
l'eut coiffé d'un toquet empanaché de rouge, à faire envie au
plus extravagant lansquenet des gravures de Durer, Petit Régis
consentit volontiers à suivre Langatroubéou, et même son amour
filial ne lui arracha ni une larme ni une caresse. Il se laissa don-
ner une taloche par son père, un baiser hypocrite par sa mère, et
s'en alla, se pavanant.
   Ce que fut l'existence du petit Régis, depuis qu'il fut sorti de
l'auberge des Trois-Rois, on le sait de reste, car l'histoire de
tous les peuples est entièrement remplie de la légende de l'enfant
né de parents pauvres mais honnêtes, ou du jeune vicomte plus
noble que le roi, enlevés par des saltimbanques et csntraints à
faire d'effroyables grimaces ou de vilains métiers pour gagner un
croûton de pain sec.
   11 sied néanmoins d'avouer que Langatroubéou nourrit son
élève presque aussi bien que Star, le beau lévrier russe à longs
poils argentés, et que Brididi, naturel des forêts de Bornéo, pris
au traquenard par des Hollandais ivres de skiedam. Il lui accor-
dait quatre écuelles de soupe chaque jour, à la seule condition
que cette abondante et succulente provende ne le fît pas grandir.
Il lui baillait, en outre, un verre de vin, une tasse d'eau-de-
vie, ou quelque menue friandise de ce genre, chaque fois que
la recette atteignait neuf pièces de cent sous. Mais il lui distri-