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                   UN COUP D'Å’IL TRAGIQUE                            359
ciers, d'autres, qu'il avait commis un faux ; celui-ci suggérait
qu'il s'était échappé d'une maison de fous, celui-là, qu'il avait tué
quelqu'un en duel, mais tous s'accordaient à dire que rien de bon,
de légitime et d'honnête ne l'amenait à Valton.
    A la fin de mars, une triade de commères était réunie dans son
sanctuaire, le bureau de poste. Les affaires de Valton et celles de
la nation étaient discutées pêle-mêle, les journaux étaient dépouil-
lés de leurs couvertures, et pas une lettre ne passait entre leurs
mains sans céder une portion de son contenu. Mais, cette fois-là,
toute l'attention était concentrée sur l'une d'elles adressée à : John
Williams, esq., au Cerf-Blanc, Valton. La lettre fut immédiatement
comprimée dans les longs doigts de mistress Mary Smith, d'affa-
mante mémoire. La grasse petite hôtesse du Cerf-Blanc s'efforçait
d'y jeter un coup d'Å“il et se haussait sur la pointe des pieds,
tandis que la directrice du bureau de poste, dont la curiosité se mas-
quait sous une apparence de dignité officielle, élevait vers le pli
confié à ses soins, une main suppliante, anxieusement préven-
tive de tout acte de violence.
    Lebillet était parfaitement clos et écrit d'une main crispée et pres-
qu'illisible. Tout d'un coup, le regard de mistress Mary Smith devint
plus fixe, son coup d'œil perçant avait réussi à déchiffrer une
phrase... presque aussitôt la lettre échappa de sa main! « Oh! le
monstre !... » articula avec effort la curieuse terrifiée. L'hôtesse
et la directrice s'arrachèrent le terrible billet, et réussirent égale-
ment à lire les lignes suivantes : « Nous parlerons de la chose
demain à dîner ; mais je suis fâché que vous persistiez à empoi-
 sonner votre épouse, l'horreur de ce crime est trop grande ».
    Elles ne purent articuler une syllabe de plus, mais ce qu'elles
 avaient lu était lugubrement significatif. « Il me dit, à moi, glapit
 l'hôtesse, qu'il attend un monsieur et une dame à dîner... oh! l'in-
fâme ! songer à empoisonner une dame au Cerf-Blanc, et sa femme
encore... Je voudrais bien voir que mon mari m'empoisonnât! —Ici
 notre hôtesse devint tout à fait personnelle dans son indignation.—
 « J'ai toujours pensé qu'il y avait quelque chose de suspect dans
 cet étranger; ce n'est pas pour rien qu'on vient habiter un endroit
 où personne ne vous connaît », observa mistress Mary Smith.
    « J'ose dire, riposta la directrice, que Williams n'est pas son