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VOYAGE DE FRANCE ET D^ITALIE 351 ne sçauroit voir ce lieu à moins d'une heure pour examiner toutes choses, j'en suis sorty tout remply d'admiration, de voir que la bonté divine est si grande qu'elle inspire des mouvements de charité dans le cœur des hommes pour ne pas laisser manquer aucune de ses créatures. En sortant de ce lieu je passay par la Belle-Cour que je consi- déray avec plaisir, et qui est véritablement appellée belle, estant la place la plus considérable de la ville. Elle est une fois plus longue et aussi large que la place Royale de Paris, d'un costé il y a des beaux bâtiments ouïe roi a demeuré dans le temps de son séjour à Lyon. De l'autre à l'opposite est un fort beau mail qui a toute la longueur de la place, et à l'extrémité sont encore quelques maisons. L'on pourroit faire de cette place une des plus régulières de France. Le vingt-huictième septembre estant sorty de la ville pour aller voir les dehors qui me parurent assez beaux, je rentray par la porte de Vèze, par laquelle on passe quand on vient du costé de Paris, et en entrant vous trouvez tout court à gauche la rivière de Saône qui vous paroist d'une belle largeur, et à droite au-dessus de la porte à costé est le chasteau de Pierre Ancise sur un rocher escarpé d'une prodigieuse hauteur, avec garnison qui sert de ce costé là de forteresse à la ville ; et de l'austre costé de la Saône est le boulevart de Saint-Jean fort et spatieux avec garnison, et digne d'estre veu pour l'excellence de sa fortification. Il est basty sur la montagne de Saint-Sébastien. Les portes de la ville sont au nombre de six. Celle de Saint- Sébastien est au bas du couvent des Chartreux, qui n'ont osé par l'ordre de la ville estendre leurs bâtiments à cause de l'éminence de leur situation, qui luy commande absolument. Dans l'enclos de leur jardin qui va en penchant sur la Saône, ils ont des vignes plantées qui produisent du vin excellent, et une allée qu'ils ont plantée de travers à cause de la roideur de la montagne qui les conduit sur le bord de la rivière. Ce lieu m'a paru véritablement solitaire et digne d'une retraite de la vie d'un Chartreux. Quoy qu'autrefois l'on ayt dit de la ville de Lyon, deux villes, deux monts, deux ponts, il faut présentement corriger cette manière de parler, puisqu'il est vray qu'il y a quatre ponts ; trois sur la