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612                    LA REVUE LYONNAISE

   Il n'allait pourtant pas jusqu'à associer communément les sin-
guliers et les pluriels (personne ne suit ses maximes jusqu'au bout),
mais, dans certaines occasions il n'hésitait pas à le faire. C'était
lorsque l'emploi d'un autre nombre eût affaibli le vers. Il avait r e -
tenu cet axiome plaisant des conversations de Laprade et de Bar>
thélemy durant leur séjour à Aix : c'est que l'homme ne fai-t pas les
bons vers ; qu'ils résident de toute éternité dant les limbes, d'où il
s'agit de les tirer. II avait raison. Il y a des vers que l'on fait
et des vers qui vous arrivent tout faits. Les premiers sont loin des
seconds, dont les grands poètes sont pleins.
   Mais, par la même raison que les bons vers sont faits de toute
éternité,.et que la chose qu'ils expriment ne peut pas être exprimée
aussi bien par un autre vers, quel qu'il soit, il serait vain de vou-
loir les remplacer. C'est pourquoi, si le vers dont la rime avait une
s en trop ou en moins était de ceux-là, il n'hésitait pas à le con-
server. Il lui eût été facile d'écrire correctement tout comme un
autre :
                                    Ta destinée est close ;
            Fais ton deuil maintenant du laurier, de la rose ;


Ou, pour frapper un peu plus le vers :
            Renonce au laurier vert, fais ton deuil de la rose ;

  Mais ce dernier n'eût été que bon. Il n'eût pas eu la grâce et le
nombre de celui qu'il a écrit, et qui est tiré des limbes :
                                    Ta destinée est close ;
            Fais ton deuil maintenant des lauriers et des roses.

  De même il a dit :
            0 douleur, ô douleur, marâtre sans entrailles ;
            Toi qui dévores l'homme en luijdisant : Travaille !

  Son frère Barthélémy, lui aussi, avait écrit ces vers charmants :
            Pourquoi dans la saison du soleil et des roses,
            A mon cœur inquiet manque-t-il quelque chose ?

  J'ose penser que, dans plus d'une circonstance, des poètes r e -