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528                       LA REVUE LYONNAISE
Rhône, les Arvernes; l'année suivante le proconsul Quintus Fabius Maximus
battit, près de l'embouchure de l'Isère, peut-être à l'endroit même aujourd'hui
occupé par la ville do Valence, les Allobroges et les Arvernes coalisés. Cette
chronologie n'est toutefois pas entièrement certaine. M. Mommsen croit qu'il y
a de bonnes raisons de placer la dernière bataille livrée dans le voisinage de la
Sorgues. Un temple à Mars, un autre temple à Hercule, deux trophées en pierre
blanche furent érigés sur les lieux pour perpétuer le souvenir de ce grand évé-
nement qui assujettissait à la domination romaine presque tout le midi de la
Gaule. Les deux généraux triomphèrent à Rome, Fabius en l'an 633, avant
Jésus-Christ 121, « des Allobroges et du roi des Arvernes Betulius », et Ahe-
nobarbus, peut-être cette même année, en tous'eas non après 635, « des Gaulois
Arvernes ». A l'envi les uns des autres, les historiens anciens tant latins que
grecs, les poètes, ont célébré ces victoires mémorables de Fabius et de Domi-
tius.
   Entre autres choses que fit Ahenobarbus, resté après Fabius dans le pays,
désormais réduit en province romaine et qu'il se plaisait à parcourir en vain-
queur superbe, monté sur un éléphant et entouré d'une imposante escorte de
soldats, il ouvrit, afin d'établir une communication facile entre l'Italie et l'Espagne,
une route appelée de son nom voie Domitia.
   Ce qu'on sait beaucoup moins, parce que l'histoire en a gardé un silence pro-
fond, c'est qu'Ahenobarbus se serait illustré dans la Gaule par d'autres hauts
faits. Il aurait remporté sur les Icônes et les Tricores, petits peuples alpins voisins
des Voconces, une éclatante victoire qui lui a valu un second triomphe, non pas
à Rome cette fois ni de son vivant, mais à Paris, deux mille ans après sa mort
et non moins glorieux pour cela. On doit la connaissance de cette belle prouesse
guerrière à une inscription vue, il y a plus d'un siècle, par un auteur piémontais
du nom de Meyranesio, au village de Clans situé au pied du mont Tournairet
dans un pays sauvage et perdu des Alpes-Maritimes, où Ahenobarbus aurait eu
la bizarre idée de venir consacrer à Hercule un autel en remerciement du succès
de ses armes. Ce n'est pas que cet auteur, le seul témoin par qui la pierre ait été
vue, soit une autorité du meilleur renom ; bien loin de là ! C'était, paraît-il, un
éhonté faussaire qui se gênait peu pour étayer ses affirmations ou ses hypothèses
par des preuves de contrebande. Cet estimable personnage avait également dé-
couvert et copié dans les mêmes parages l'inscription d'un autel consacré à
Jupiter par Marcus Fulvius, en actions de grâces de victoires obtenues sur plu-
sieurs peuples Ligures et Salluves. Les deux inscriptions sœurs, nées de la
« même source infecte », ont pris place dans le Corpus des Inscriptions latines,
tome V, sous la mention flétrissante: « Inscription fausse ».
  En 1879, au Congrès des Sociétés savantes, M. Edmond Blanc, correspondant
du Ministère de l'instruction publique à Vence, annonça qu'il venait de retrou-
ver, au sommet du Tournairet, le cippe d'Ahenobarbus. Le récit qu'il lut de sa
découverte était bien quelque peu singulier. On y rencontre maints incidents
merveilleux qui sont la monnaie courante des romans enfantins. Un vieux bû-
cheron, occupé à ramasser du bois mort, se trouve là tout à propos pour ap-
prendre à M. Blanc, venu lui-même dans un but étranger à l'épigraphie, qu'il y
avait, à la pointe de la montagne, une pierre écrite indiquant la place où les
Sarrasins avaient enfoui des richesse?, et appelée par les gens du pays « la
pierre du Trésor ». A force de « la faire virer », afin de découvrir le lieu de la