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BIBLIOGRAPHIE I LES ORIGINES DE LA. FRANGE CONTEMPORAINE. — Le Gouvernement révolutionnaire, par H. TAINE, de l'Académie française. — Paris, Hachette, 1885, tome III, 1 vol. in-8. Peu d'ouvrages ont eu, de nos jours, la fortune de celui que M. Taine a entrepris de publier sur les Origines de la France contemporaine, et peu de succès littéraires ont été aussi mérités. Je ne veux parler ni du style de l'auteur, ni de la méthode analytique, anatomique, qu'il a l'habitude d'employer : si celle- ci peut ailleurs nuire à la synthèse, elle est ici merveilleusement appropriée au sujet, elle sert l'écrivain comme le lecteur lui-même, elle produit des effets prodigieux, auxquels il est impossible de se soustraire et qui ne sont pas les moindres raisons de l'intérêt, que dis-je? de la passion avec laquelle un public las, blasé, devenu presque indifférent aux régals les mieux choisis, s'est précipité sur ces volumes. Mais je parle du sujet en lui-même : étudier en détail la structure et le jeu des organes de la bête révolutionnaire, noter son régime et ses mœurs; constater ses instincts, ses facultés, ses appétits; décrire, pour user de l'image adoptée par M. Taine, comment « ce crocodile, ce mangeur d'hommes » sacré Dieu par la folie et l'ignorance populaires, « s'embusque, agrippe, mâche, avale, digère » ; sonder les profondeurs de son estomac, en un mot, montrer « aux naturalistes de l'esprit, aux chercheurs de vérités, de textes et de preuves » ce qu'a été la Révolution un peu avant, pendant et après la Terreur, non pas telle que l'a travestie le culte idolâtre de ses dévots, mais telle que l'ont vue ses témoins oculaires ; c'était, on en convient, non seulement une lourde et périlleuse tâche, mais plus encore peut-être aujourd'hui une témérité. M. Taine a donné tort à tous ceux qui l'en détournaient à l'avance, il a vaincu l'obstacle, et, s'il n'a pas dompté l'hydre, il a projeté dans ses entrailles une lumière vengeresse qui ne s'éteindra plus. Je passe ce que l'auteur appelle dans sa langue précise et qu'on n'accusera pas ici d'être violente « l'abatis révolutionnaire », c'est-à -dire les expulsions, les incarcérations, le pillage et le gaspillage, les ruines publiques et privées, puis les