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                                       FELIBR1GE                                      539



          MENS D'AIRANGO                                MOINS DE COLERE
  (SIRVEKTUSC    INÉDIT    D'UN      TROUBADOUR
               DU   XII0   SIÈCLE)

                       I                                              i
Voudriou, d'uno ploumo pouncbio                      Je voudrais avec une plume poin-
Saussa dins l'encre lou plus nier,                 tue, trempée dans l'encre la plus
                                                   noire et dans le fiel du malin esprit,
E dins lou fèu de l'aversier,
                                                   mettre par écrit les méfaits du mé-
    Boutar en escrituro                            créant, la honte du libertin,les ruses
Lôus maufas dôu noun-creyandier ;                  nombreuses de métier, et toute espèee
Lou defèci dôu gourinier ;                         de forfait.
Un flo d'enganas de mestier ;
    E touto fourfaturo.

Voudriou, embe un mouchou de flo,                    Je voudrais avec un tison de feu,
                                                   à coup de tisonnier et sans quartier,
A cop de riable e sens cartier,                    jeter dans une fournaise de fagots
Gitar dins 'n fougau de lignier                    (allumés) toute méchante trahison :
     Touto malo treituro :                         la peur qui fait les pleutres, la là.-
La pou que fai lou ploutrassier,                   cheté qui fait le danger, et la parole
                                                   du flatteur qui a du miel aux lèvres.
La cagno que fus lou dangier,
E la barjo dou louvangier,
    Que de mèu s'apasturo.

Voudriou acuchar en un lio,                           Je voudrais entasser en un lieu
                                                   afin de le précipiter du haut d'un pic
Per lou deibôussar d'un rouchier,                  ou l'engloutir dans une mare le mal
E lou neyar dins un gachier,                       qui est le fruit de la corruption ; ce
    Lou mau de couroumpuro ;                       venin qui, de bonne heure, dessèche
Aquéu vérin que d'eraproumier,                     le fruit et la plantation, en allumant
                                                   une étincelle au cœur de la jeunesse
Flachis la frucho e lou plantier,                  pure.
En atuvant un rachalier,
    Dins la jueinesso puro.


                      II                                             il
Mes Diou respouand : qunto foulio !                  Mais Dieu répond : a Quelle folie
                                                   Tu voudrais, toi pauvre brin de paille,
Voudrias-ti, paure bourdelier,
                                                   de tes mains lever l'écluse pour
De tas mans traire l'esparsier,                    noyer l'univers? Oublies-tu donc que
     Per neyar la naturo ?                         naguères, sî je n'étais pas si lent à
Eissublicis ; donc que l'autrier,                  punir, cent fois je t'aurais broyé, à
Si n'èrou pas si tarzandier,                       cause de ta noirceur?
Cent cops t'auriou mes en poussier,
     Per ta grand machiruro.

Toun nou, sus lou liôure de vio                       « Ton nom, dans le livre de vie est
                                                   inscrit, non certes le dernier, sur la
Eis escri, paniou lou darier,                      liste des orgueilleux, bouffis de suf-
Dins la teiro dou vantardier                       fisance. Plus harpagon que qui que
    Crebant de soun efluro.                        ce soit. Plus gourmand qu'un verrat.