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LE DOMPTEUR DE CHATS — NOUVELLE — A J . - K . HuYSMANS. Le marché fut conclu à l'auberge des Trois-Rois. Le père, Maclou Thierry, s'y trouvait; la mère, la belle Andréanne , affolée par le cidre et l'eau-de-vie, s'y trouvait aussi. Langatrou- béou, un cévenol à la voix chantante, un peu aiguë, offrit d'abord soixante écus ; mais de marchandage en marchandage, on arriva à cent écus, et les deux normands topèrent tout à coup avec un frémissement joyeux. Ce que Langatroubéou achetait, ce que Maclou et sa femme vendaient, c'était une pauvre créature hu- maine ; et cette traite d'un esclave se faisait au grand jour, en plein soleil, le lendemain de la foire de Pâques, il n'y a pas beau- coup d'années. Ce Langatroubéou, surnommé Gueule de fer, exerçait en ce bas monde les utiles fonctions de saltimbanque. Il allait de pays en pays, voyageant dans une grande voiture verte, rechampie d'écarlate, et traînée par deux percherons robustes. Cette « rou- lante » abritait une vieille femme, sorcière, ou peu s'en fallait, une méchante fillette aux os pointus, aux cheveux jaunes, aux yeux verts* maigre, laide et malade, qui tyrannisait le lourd colosse des Cévennes, un grand escogriffe efflanqué, doué d'au- NOVEMHRE 1884. — T. VIII 29