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       LA MORALE DANS LES FABLES DE LA FONTAINE                        379
  ingrats, dit-il, il n'en est point qui ne meurt enfin misérable. »
 Rêve généreux que l'imagination du poète a pris pour la réalité.
     La morale de La Fontaine n'est pas mieux fondée, lorsque pour
 donner à ceux qui souffrent des motifs de se consoler, elle leur dit
 de considérer leurs semblables plus malheureux. Les hommes
 sont même trop indifférents au malheur d'autrui, pour que le spec-
 tacle puisse en être consolant.
    La Fontaine n'est rien moins que systématique et si l'imitation
 des fabulistes anciens lui a parfois dicté des moralités douteuses,
 il n'y a pas chez lui de parti pris ; d'autres fois il ira chercher jusque
 dans l'Ecriture Sainte, non seulement une vérité morale, mais le
 sujet même de son apologue.
    Veut-il par exemple signaler le danger pour les humbles de se
mêler à la société des grands, il s'inspire de ce passage du chap.
xin de Y Ecclésiastique : « Celui qui se lie avec un plus grand que
lui se met un fardeau pesant sur les épaules. N'entrez point en
société avec un plus riche que vous. Quelle union peut-il y avoir
entre un pot de terre et un pot de fer? Lorsqu'ils se heurteront l'un
contre l'autre, celui de terre sera brisé. » Nul doute que La Fon-
taine ait puisé dans ce texte l'idée de sa fable et le conseil qui Ja
termine :
               Ne nous associons qu'avec nos égaux.

   Lorsqu'il veut censurer une disposition naturelle qui nous aveugle
sur nos propres défauts et nous ouvre les yeux sur les défauts
d'autrui, il écrit la fable intitulée : la Besace.
                           Le fabricateur souverain,
              A fait pour nos défauts la poche de derrière
              Et celle de devant pour les défauts d'autrui.

  N'est-ce pas la un écho du Sermon sur la montagne : « Com-
ment dites-vous a votre frère : Laissez-moi tirer une paille de votre
œil, vous qui avez une poutre dans le vôtre. »
  La Fontaine est un poète universel. S'il n'est indifférent à aucun
détail, si petit soit-il, de la vie humaine, lorsqu'il aborde un de ces
grands faits qui dominent l'humanité, comme la mort, l'instabilité
de la vie, par exemple, il le traite avec une vérité, une vivacité de
couleur émouvantes.