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FELIBRIGE 329 Mistral, il y a vingt-cinq ans, était une célébrité ; aujourd'hui c'est une gloire. La place qu'il occupe en Provence est considérable, son rôle exceptionnel, ses vers n'ont pas seulement les lettrés pour lecteurs, le peuple les connaît, les récite ; il n'y a pas de belle fête rurale, de grandes réunions populaires, sans que la poésie de Mistral n'en fasse partie , et cette poésie n'entretient les milliers de paysans qui l'écoutent que des vertus antiques, de l'amour de la famille, de l'amour de Dieu, des richesses de leur merveilleuse terre ; ses vers sont pleins de soleil comme la Provence même. Ce qui fait l'originalité du génie de Mistral, c'est qu'il estl'image de son pays tout entier, passé et présent, nature et histoire, idiome et tradition. Retiré toute l'année dans son domaine de Maillane, son temps s'y passe à Caire des vers, à faire valoir sa terre et à achever son grand dictionnaire de la langue provençale... toujours son pays. 11 y a quelques jours on a célébré à Sceaux le quatrième centenaire de la réunion de la Provence à la France. Ce grand événement national s'est accompli il y a quelques siècles, dans des circonstances particulièrement émouvantes. Nos autres provinces, la Bretagne, la Normandie, la Bourgogne, la Lorraine, l'Alsace, ont été ou conquises ou acquises à prix d'argent, ou cédées par traité ou obtenues par mariage. Seule la Provence est venue à nous librement, de son propre choix ! 11 y a quatre siècles, après l'extinction de ses dynasties royales, elle s'est offerte à la France, spontanément, par amour. Elle a contracté avec la France un mariage d'inclination. Hé bien, c'est pour renouveler cette alliance, au nom delà Provence actuelle, que Mistral est venu à Paris. En réponse à d'injustes reproches de sé- paratisme, il a raconté éloquemment et scellé solennellement ce vieux pacte de famille, il a célébré dans ses deux langues, l'amour de ses deux mères et montré comment on peut aimer d'un même cœur la petite patrie et la grande. Votre commission a pensé que l'Académie aurait bonne grâce à signer elle aussi à ce contrat de mariage en honorant dans Mistral le plus illustre fils de cette Provence si noblement acquise et non perdue. LEGOUVÉ. Notre collaborateur et ami, M. le comte de Toulouse-Lautrec, nous prie d'annoncer ici — la Revue allant aux extrémités du pays d'Oc,— que la réunion annuelle des felibres d'Aquitaine aura lieu, le 12 octobre prochain, à Muret (Haute Garonne). La Fête empruntera sa solennité au lieu même de sa célébration, si grand par les souvenirs qu'il évoque pour tous les fidèles du Midi. « Un petit monument (4 mètres de hauteur) a été placé à un kilomètre de Muret, sur le champ de bataille. Il portera une inscription en langue du pays. M. le pré- sident Henry, félibre dévoué, a voulu !e concours d'un excellent orphéon qui chantera la Roumanço doù Rèi en Pèire, de Félix Gras. L'initiative de l'érec- tion du monument appartient à la Ville qui profite de notre réunion pour donner plus d'apparat à cet hommage rendu à nos Pères. » L'Académie des jeux floraux de Toulouse a délégué deux de ses membres pour SEPTEMBRE 1884. — T. VII. 21