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LE ROMAN N A T U R A L I S T E 265
cêtres quelques qualités secondaires de facture et cette liberté
d'allure qui fut le but de la révolution littéraire de 1830; non,
nous disons un vrai romantique et qui n'a fait qu'appliquer à des
sujets modernes les procédés qu'on appliquait avant lui à ce qu'il
appelle le bric-à -brac moyen âge. Aussi n'est-ce pas à lui que les
romantiques pourraient adresser ce reproche : Vous êtes notre
enfant, vous tenez l'existence de nous et c'est une mauvaise
action que de frapper ses grands parents l. Ils devraient lui
dire : Vous êtes l'un des nôtres et quand vous nous frappez, c'est
vous-même que vous blessez.
Oui vraiment, il est risible d'entendre M. Zola s'écrier dans
l'étude qu'il a consacrée à Victor Hugo : Oh ! l'antithèse ! car si
jamais auteur a usé et abusé du procédé antithétique, c'est bien
lui. 11 n'y a peut-être pas deux de ses œuvres qui ne se terminent
par quelque grosse antithèse préparée et amenée avec amour.
Dans la Fortune des Rougon, c'est Silvère Mouret qui tombe
la tête cassée d'un coup de pistolet dans le coin du vieux cimetière
qui a abrité ses amours avec Miette, pendant que les Rougon cé-
lèbrent à table au, milieu de la buée toute chaude des débris du
dîner leur nouvelle fortune 2 .
Dans la Curée c'est Renée qui de sa voiture voit passer bras-
dessus, bras-dessous, son mari et son beau-fils qui a été son
amant.
Dans le Ventre de Paris, c'est Claude Lantier qui, avec sa
maigreur dégingandée d'artiste, s'écrie : Quels gredins que les
honnêtes gens! en face delà belle Madame Quenu, trônant à la
porte de sa charcuterie le linge blanc, la chair reposée, la face
rose, les bandeaux lissés, avec un grand calme repu et une tran-
quillité énorme.
La conquête de Plassans, une des meilleures œuvres de
M. Zola, ne se termine pas par une antithèse aussi tranchée que
les précédentes. Et cependant la société de Plassans assistant en
spectatrice curieuse et presque indifférente à l'incendie allumé par
1
Zola. Documents littéraires. Victor Hugo.
2
Quand il s'agit de buée chaude ou froide, on peut être sûr que l'expression est
empruntée à M. Zola.
SEPTEMBRE 1884 — T. VIII 17