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                   LE ROMAN NATURALISTE                             263
    Eh bien ! ces personnages sensés et libres, on les rencontre,'sans
trop de difficultés dans l'œuvre que nous étudions.
    Nous pourrions citer d'abord le docteur Rougon qui n'a aucune
ressemblance morale ni physique avec ses parents, qui est complè-
tement en dehors de la famille, et qui sait se soustraire complète-
ment aussi à l'influence abrutissante du milieu où il vit. On pourrait
dire, il est vrai, que M. Zola, ayant besoin d'un observateur, l'a
créé tel qu'il le lui fallait, mais nous avons déjà fait remarquer
combien cette nécessité même condamne le déterminisme, aussi
cet exemple nous suffirait. Et cependant il n'est pas le seul.
    Le grand homme de la famille d'abord, Eugène Rougon le mi-
nistre, quoiqu'il soit poussé en avant par une ambition profonde qui
peut passer pour un de ces ressorts puissants faisant mouvoir les
mécaniques humaines, a des perceptions trop nettes et un juge-
ment trop sûr pour ne pas se mouvoir librement au milieu des
événements auxquels il est mêlé.
    Il y a aussi quelque part, dans Y Assommoir, une courageuse
 petite-fille dont la mort, amenée par les brutalités d'un père ivrogne,
 est une des plus poignantes scènes de l'ouvrage. Elle ne cède pas,
 celle-là, aux influences du milieu qui devraient en faire une enfant
 dépravée.
    Et dans le dernier volume de la collection, Au bonheur des
 Dames, cette douce et séduisante figure de Denise qui, non seule-
 ment traverse sans se laisser entraîner le milieu le plus corrompu,
 mais qui arrive à modifier ce milieu et à dominer les événements par
 la seule force de sa patiente fermeté, il nous est bien permis delà
 citer. Vous l'avez dépeinte avec trop de soin et d'amour, pour que
 vous n'ayiez pas eu un modèle, M. Zola. Et alors expliquez-nous
 par quelle étrange anomalie cette enfant ne succombe ni à la misère,
 ni à toutes les tentations qui l'entourent. C'est sa nature, direz-
 vous, elle est en état d'honnêteté, elle avait dans le sang cette dou-
 ceur et cette vaillance. Vraiment l'explication serait par trop
 commode. D'abord vous n'en avez rien dit, et vous ne nous avez
 pas fait connaître les parents de Denise, ensuite ses deux frères ne
 lui ressemblaient pas et n'ont nullement les mêmes qualités. —
 Mais les uns tiennent d'un ancêtre et les autres d'un autre, il y a
 l'élection du père et l'élection de la mère, sans compter l'hérédité