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234 LA REVUE LYONNAISE saire pour percer lentement un chemin, sans coup d'éclat, sans coup de mine, toujours idolâtre d'une seule et unique idée, et capable d'arriver au but par sa seule force ; la seule race de France qui serait colonisatrice, comme la race anglaise, avec laquelle d'ailleurs elle a de nombreuses analogies de caractère et de tem- pérament. Le Lyonnais est envahisseur : on le trouve partout, posté aux coins les plus en vedette, ayant fait son trou avec une patience et une inflexibilité que rien ne peut démentir, ne s'arrêtant qu'après avoir atteint le but, et possédant les qualités nécessaires pour y parvenir. — Parmi celles-ci, propre à nous, de naissance lugdu- nienne, est l'éminente faculté d'entraîner, de changer le cours d'une opinion ou d'une volonté, par un procédé bizarre : en cédant à cette volonté contradictoire, en se rangeant avec cette opinion contraire. Pour quiconque n'est pas sur ses gardes, ce pro- cédé est incontestablement efficace, mais deux Lyonnais qui seraient ennemis joueraient ensemble au plus malin et ne feraient que se convaincre de l'inutilité de leurs efforts. Cette manière d'être est inconsciente chez eux; elle n'est pas le fait d'une hypocrisie astucieuse ou d'une diplomatie voulue, elle n'est que la résultante de cette froideur placide qui les empêche d'être loquaces, qui les fait céder, et de cette patiente ténacité qui reprend ensuite son idée propre et travaille à la faire triompher, comme un ruisseau qui se plie à toutes les sinuosités des obstacles, mais n'oublie jamais l'endroit qu'il se propose d'atteindre. C'est pourquoi les Lyonnais sont une race forte et puissante. Leur conduite étant divisée en deux parties bien distinctes, l'ac- quiescement et le revirement comme un roseau qu'on courbe et qui vient reprendre sa position primitive, il est facile dans le premier moment d'obtenir d'eux tout ce qu'on désire, et de les faire agir par une constante pression. Mais sitôt qu'ils sont livrés à eux- mêmes, ils reviennent à l'idée originale et primitive. Et ne pouvant exercer sur leurs autres soi-mêmes, ces qualités de persévérance et d'entêtement, ils les développeront dans des milieux où les appelleront leurs désirs. Ne pouvant utiliser leurs remarquables facultés à 'entregent dans leur province natale, ils s'en éloigneront, froids, calmes, mais avides.