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LES LYONNAIS ET LEUR INFLUENCE 235 A Paris, foyer d'où tout rayonne, dans le journalisme, dans les lettres, dans la peinture, dans la sculpture, dans la politique, dans le commerce, dans tout, sans les connaître, on coudoie des Lyon- nais, ou, plus que cela, des gens qui ont simplement séjourné à Lyon et en ont subi l'influence, en portent le sceau indélébile. C'est un creuset où se sont fondus tous les talents. Dans ce milieu froid, bourgeois, anti-littéraire et anti-artistique s'il en fut, le moindre germe intellectuel, qui ne se serait peut-être jamais mis au jour, se trouve sollicité à se développer de lui-même, par le vide qui l'entoure, par la résistance opiniâtre qu'il y rencontre, par le bourgeoisisme qui essaye de Vétouffer. Ce germe intellectuel se développe rapidement et se fortifie dans cette lutte, au point d'ac- quérir la puissance nécessaire qui le fera résister à tous les assauts. Nous sommes loin d'être à Paris, où le moindre écrivain peut vivre avec sa plume; nous sommes loin d'être à Montmartre, où tout le monde est artiste ou homme de lettres, et où l'on fait de la littérature par entraînement où l'on se fait homme de lettres sans trop savoir pourquoi, pour faire comme tout le monde, comme on se ferait garçon épicier ou commis aux écritures, où l'on fréquente les cabarets littéraires qui vous posent tout de suite en petits dieux, officines où on s'encense mutuellement, où on se trouve énormément de talent, et où on rira bien fort, derrière lui et même devant lui, du jeune auteur qui arrive de sa ville commerciale pour se mêler un peu à l'âpre lutte de Paris, en lui disant que ce qu'il a de mieux à faire est de retourner dans son trou à rats pour y vendre delà soie ou du coton, comme les amis, et qu'une ville qui n'est que commerçante ne peut produire que des commerçants. C'est tout le contraire, mes braves Parisiens : un cabaret litté- raire de la capitale n'a jamais produit des littérateurs et des artistes comme en ont produit Lyon et Marseille, Rouen et le Havre, Bordeaux et Nantes, et en général toutes les villes bien endormies, bien commerciales, ou bien bourgeoises. A Lyon soyez donc journaliste, ou auteur lyrique ou dramatique, ou seulement directeur de théâtre ! Il y a deux théâtres, qui ne font pas leurs frais, les livres restent à la devanture des libraires, les journaux ne s'achètent pas, et on conspue les journalistes. Et cepen- dant, je l'ai dit et je le maintiens, Lyon est un creuset où se fondent