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                  H A L A Z U C ET P O N S I")K I S A L A Z T C            155

fortement préservé d'ailleurs par mon complet en flanelle huilée
que je recommande à tous les amateurs d'exercices nautiques.
   C'était une lumineuse nuit de juillet. Notre barque glissait mol-
lement sur l'Ardeche qui semblait, sous la brillante lumière de la
lune, charrier une traînée de pierres précieuses. Devant nous, sur
son rocher fantastiquement éclairé, se dressait Balazuc et, domi-
nant le vieux burg, haute et sombre sur l'azur clair, la tour carrée
du vieux castel où était né Pons.
   Toutes les harmonies de la nature nous berçaient dans le
silence et la splendeur de cette nuit pleine d'étoiles et de parfums,
et, saisis par l'étrange beauté du site, nous étions devenus soudai-
nement silencieux.
   Les lecteurs qui ont bien voulu m'accompagner au Pradel* n'ont
peut-être pas oublié Pons de Balazuc et son vieux burg, et nous réa-
lisions, ce jour-là, mon ami X... et moi, le projet, alors formé et
jusque-là renvoyé, de visiter le berceau de l'illustre Croisé.
   Deux jours auparavant, letrainnous avait déposés sur le trottoir
delà gare —une maisonnette isolée, en pleine campagne et grande
comme un dé à coudre — d'où, sous la conduite d'un jeune gars
qui avait bien voulu se charger de nos bagages — la boîte de cou-
leurs de X..., son pliant et ma petite valise — nous avions pédes-
trement gagné le village, distant d'une demi-lieue à peine.
   Nous venions X... et moi à Balazuc avec des intentions bien arrê -
tées de travail. Je voulais étudier surplace Pons et sa race; X...
voulait peindre cet étrange et saisissant paysage : coin d'Orient
perdu avec ses horizons lumineux, son ciel de feu, ses térébinthes,
ses grenadilles au feuillage lustré, dans le Vivarais.
   L'auberge du village, construction moderne, blanchie à la chaux,
et précédée d'une vigne en treille, comme une osteria italienne,
mais qui jurait — et moi avec — de se voir accouplée aux vieilles
maisons noires du burg, nous abritait, et, pour comble de male-
chance, nous avions pour hôtesse — la meilleure des hôtesses à
cela près — une ronde et forte commère, blanche et rousse, un
vrai Rubens, en chair et en os, en chair surtout.
   Une flamande à Bâlaztic!.., Quel soufflet à la couleur locale et à

 1
     Voir Reçue de France, n" du 15 juin 1881 : Lel'radel et Olivier de Serres.