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 4                    LA REVUE LYONNAISE

éteint dans la plus sordide misère. En 1726, il eut la douleur de
perdre sa femme, et, le 15 octobre 1728, il succomba lui-même dans
sa quatre-vingt-huitième année, sous le poids des privations encore
plus que sous celui de la vieillesse. On l'enterra à Saint-Sulpice. Si
l'on ne grava point sur sa tombe le distique qu'avait fait pour lui
le président Bouhier en 1721,
                 Divio me genuit, retinet Lutetia. Gallo,
                 Argolico, Lalio, Burgondo carminé lusi.

 Ces deux vers, inscrits sous son portrait, résumèrent brièvement
 les talents qui avaient illustré son existence.
    Les lettres qui suivent se rattachent, sauf les deux premières, à
 son séjour à Paris. Elles n'ont lien de littéraire et n'étaient point
 destinées à voir le jour. Ce sont des écrits intimes adressés à l'un
 de ses fils, religieux cordelier à Châtillon-sur-Seine, puis à
Bar-sur-Aube, enfin à Auxonne, où il paraît s'être établi vers
 l'année 1725.
    On n'y rencontrera donc que des détails de famille et de ménage,
 des exhortations paternelles, des affaires d'intérêt de très médiocre
 importance, dont le récit est à peine entremêlé de l'expression
 discrète des sentiments du vieillard. Au point de vue de la bio-
graphie proprement dite, elles nous apprennent même peu de chose
sur l'auteur, sinon sur sa postérité. Nous y voyons seulement que
son fils aîné était avocat à Paris, marié et père de famille ; que,
de ses deux filles, l'une était bernardine et l'autre ursuline à
Dijon ; que son autre fils, le destinataire de ces lettres, avait aussi
embrassé la vie religieuse, qu'il habita successivement Bar-sur-
Aube, Auxonne, et qu'il se livrait à la prédication ; qu'enfin Ber-
nard de la Monnoye éprouvait une vive tendresse pour sa femme,
dont il loue la vertu et déplore la mort, pour la digne compagne
de son opulence et de sa pauvreté. Mais elles ont, ce semble, une
valeur plus appréciable à un autre point de vue. D'une part, sans
être remarquable, le style en est ferme, clair, précis ; il n'a rien
des incorrections et des duretés qui se rencontrent sous la plume
des épistolaires de la première moitié du dix-septième siècle,
encore moins de l'afféterie ou de la mollesse des écrivains de la
Régence. On sent que La Monnoye a conservé intacte jusqu'à la