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294                   VINGT-SEPT ANNEES

être l'ami ». Rulhière alors est « fort brave homme, mais
bête au dernier point ». Voilà pourtant que le général
Rulhière fait attention à Changarnier, et Changarnier écrit
aussitôt (I, p. 164) : « Ce général, dont longtemps j'avais
cru' avoir à me plaindre, était devenu parfait pour moi, et
toute ma vie je lui devrai de la reconnaissance pour la
confiance qu'il m'a montrée le 15, en me laissant, avec
intention et à la vue de toute la colonne mobile, la direc-
tion de toutes les troupes. » La reconnaissance est le plus
beau des sentiments; mais ici c'est la reconnaissance de
l'orgueil satisfait, qui ne répare pas lesinjustices précédentes.
   Où Changarnier semble surtout souverainement condam-
nable,c'est dans la manière dont il juge son chef hiérarchi-
que, le Maréchal Bugeaud. Aussitôt qu'il apprend la nomina-
tion de ce dernier comme gouverneur général de l'Algérie,
il écrit à Castellane, le 2 février 1841 : « Je croyais le gou-
vernement du Roi intéressé à retarder, autant que les ten-
dances parlementaires le lui permettraient, la déconsidéra-
tion de l'armée ; mais il la hâte en mettant à notre tête
l'homme de Blaye, l'homme du procès Brossard, le ridicule
auteur de tant de harangues grotesques. C'est, comme vous
le dites, une véritable insulte pour nous. L'Empereur
s'étant servi pour faire arrêter le Pape d'un certain général
Radet, il fit de ce dernier un inspecteur de gendarmerie,
et on n'en entendit plus parler. » Après le combat du col
de Mouzaia, Changarnier écrit, le 18 mai 1841 : « Les
dernières expéditions ont servi à mettre au grand jour les
défauts et les qualités militaires du nouveau gouverneur.
Le nombre des premiers l'emporte beaucoup sur celui
des secondes, dont l'une, l'entrain, suffit auprès des offi-
ciers médiocres pour en faire supposer plusieurs, qui, en
réalité, manquent à notre général en chef. Nous n'avons