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84               UN VIEUX DE TRENTE ANS

voyait un Allemand, frappé par l'une de ses balles, rouler
dans la poussière.
   Il venait de tirer sur un officier badois, lorsqu'une balle
ennemie l'atteignit au bras droit et lui fit lâcher son fusil ;
ne pouvant plus combattre, il ramassait son arme de la
main restée valide, lorsqu'une autre balle allemande le
frappa au côté gauche et pénétra un peu au-dessus de la
hanche ; il tomba.
   Après le combat et la retraite tant de l'infanterie
allemande battue aux Errues que des escadrons de uhlans
qui avaient voulu forcer l'entrée du village de Roppe par la
droite et que nous avions obligés à fuir, Henri Muller fut
transporté à Belfort. Nous ne le revîmes plus ; nous apprîmes
plus tard qu'il avait succombé à ses blessures.
   Quelques jours après notre retour à Lyon, en avril 1871,
nous voulûmes, deux amis de Millier et moi-même,
nous informer de ce qu'était devenue la veuve de notre
vieux camarade. Ce que nous apprîmes d'elle était bien
triste.
   A l'annonce de la mort de son mari, Louise Muller
avait pleuré toutes ses larmes ; elle était tombée malade ;
par suite, le petit magasin qu'elle exploitait à Lyon, rue
Saint-Georges, avait été fermé, puis vendu, les petites
économies s'en étaient allées et la misère était venue, triste
compagne de la douleur et de la souffrance.
   Vers les premiers jours de février 1871, la maladie
semblait pourtant décroître et, la jeunesse aidant, la veuve
de notre compagnon d'armes paraissait revenir quelque peu
à la santé, lorsqu'elle apprit la signature de la paix et ses
tristes conditions.
   La cession de son pays natal, de sa chère et bien-aimée
Alsace aux Allemands lui causa une douleur poignante ; la