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494 TIC-TAC. succédaient des cris de miséricorde, des prières lamentables, puis un silence absolu. Après chaque accès, le vieillard gardait le logis pendant quarante-huit heures. Trois personnes seulement avaient dépassé le seuil de sa porte : le brigadier Wolfeltzberger, le jeune inconnu et la petite Hen- riette, qui tenait le vieillard en singulière amitié. Mais le brigadier restait, sur l'article, plus muet que ses bottes ; le jeune homme ne s'arrêtait pas au pays, et l'enfant répliquait en boudant, lorsqu'on la pressait de questions : Allez-y voir. Tel était le client que dame Sophie jugea à propos de replacer sous la loi commune pour gagner trois ou quatre francs par an, — un trait entre mille, — ab uno disce omnes. Deux progressions croissantes. Quel dommage que ce moulin ne soit pas à nous ! Ah ! s'il était à nous ! Il pourrait être à nous ! Il devrait être à nous ! Il faut qu'il soit à nous ! Il est à nous ! Voilà à peu près par quelle succession d'idées les époux An- selme arrivèrent à se considérer comme les maîtres légitimes du moulin. Un bourgeois distrait, nommé La Fontaine, a dit des méchants : Laissez-les prendre un pied chez vous, Us en auront bientôt pris quatre. Ce bourgeois avait quelque talent, quoiqu'il portât une longue perruque et que ma blanchisseuse mette M. Capendu bien au- dessus de lui Dans le principe, les rêves dorés d'Anselme et de Sophie n'étaient pas exempts de nuages : Quand Henriette reviendra!... Peu à peu cette tache importune s'effaça de leur ciel et ils goû- tèrent l'ineffable bonheur de la propriété avec la sérénité et la douce quiétude, apanage des âmes honnêtes. Un coup de ton- nerre les réveilla de ce sommeil du juste. La foudre sortit, sous enveloppe, de la boîte du facteur rural.