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302 UNE AVENTURE La COMTESSE. Oui, c'est la mode du jour ; à la ville on est grande dame, à la campagne on est bergère, ALINE. Les jolis agneaux! comme ils étaient blancs et enruba- nés! chaque matin nous faisions leur toilette. La COMTESSE. La nôtre était bientôt faite, te le rappelles-tu? ALINE. Je crois bien ! vous aviez pris un de mes costumes et, ainsi vêtue, vous veniez avec moi traire les brebis. On eût dit une de nos paysannes de la Lorraine... mais une bien jolie pay- sanne, une paysanne comme on n'en voit pas. La COMTESSE (souriant). J'ai tout lieu de croire cependant qu'on pouvait s'y tromper. ALINE. N'allez pas vous imaginer cela... Mais ce qui m'a tou- jours étonnée, c'est que madame , qui semblait prendre le plus grand plaisir à ce divertissement, s'en soit tout à coup dégoûtée., mais tout à coup... comme cela d'une minute à l'autre. La COMTESSE. Vraiment? le crois-tu? ALINE. Ah! j'en suis bien sûre; je me le rappelle comme si j'y étais : — Un beau matin nous étions à la petite métairie où je m'occupais à traire les brebis... Vous remplissez votre pot au lait et vous me dites : « Au revoir, Aline, je retourne au château pour souhaiter le bonjour à ma tante. » Là -dessus vous voilà partie sautillant et chantant comme une fauvette. A travers la porte ouverte de l'étable , je vous vois descendre le petit sentier qui conduit au ruisseau, vous tournez les grands saules et là je vous perds de vue... Un quart d'heure après, j'entends Germain qui m'appelle, il m'ordonne de me rendre auprès de vous, dans votre chambre. Vous étiez émue, agitée, vous vous parliez toute seule à vous-même : « Aide-moi à me déshabiller, » me dites-vous d'un ton froid et sévère qui me rend toute glacée. Et vous quittez votre costume de paysanne pour ne plus le reprendre jamais à dater de ce jour. Adieu nos bergeries et nos pastorales, tout depuis ce moment a été fini, bien fini, et vous n'avez presque plus quitté le salon, jusqu'à notre départ du château qui était devenu fort triste et que je n'aurais certes pas regretté si... La COMTESSE (agitée). Si André n'y était pas... C'est bien, puis-