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TIC-TAC. 487 resplendissant Les récoltes découpent, sur les ondulations des versants, de larges bandes multicolores, semblables à des soieries déroutées. Les coquelicots rubis et les bluets saphir étincèlent dans l'or des moissons. Le fond émeraude des prés s'émaille de campanules, de pâquerettes et de jonquilles. Un petit sentier côtoie le ruisseau. Lés aulnes baignent dans le courant leurs ra- cines chevelues et rouges comme 1S crinière d'un casque gaulois. Sur les galets brillants, l'écrevisse promène son armure bronzée. Les hydrophiles et les gyrins exécutent à la surface leurs capri- cieuses évolutions, guettés par des petits poissons agiles, qu'épie à leur tour le martin-pêcheur au chatoyant plumage. Les sveltes libellules planent en se jouant et viennent, fleurs ailées, se poser à la cime des roseaux. Au pied des vieux saules et dans la mousse verte stationnent des légions de coccinelles écarlates. On dirait un collier de corail égrené sur un tapis. Parfois, quelque belle truite aux flancs tachetés de pourpre file comme la flèche, arrive au remous d'un élan rapide, se recourbe et se détend comme un arc d'argent et franchit d'an bond la cascatelle. Les fauvettes à tête noire, les chardonnerets bariolés, les pinsons à gorge carminée gazouillent sur les coudriers, le merle siffle dans les haies, les trilles stridents de la caille résonnent sous les chaumes. L'été prodigue tous ses sourires et répand à mains pleines la sève et la vie. Le vallon tout entier respire, aime et chante. Entendez-vous sous les noyers touffus ce battement régulier, que le sourd murmure des eaux accompagne? Un moulin ! vous souriez, — un moulin fait toujours plaisir à voir. D'abord, ces usines primitives établies près de quelques chutes s'entourent généralement d'ombre et de fraîcheur; puis on y fabrique la farine, base de l'alimentation universelle. Or, maître gaster et le cerveau ont, hélas ! bien des relations secrètes. Salut au bon vieux moulin rustique, mu par une bonne grosse roue ventrue qui tourne placidement sur des ais de sapin envahis par les lichens et les sphaignes... Nul plan n'en régla la cons- truction, et la disposition des bâtiments brave toutes les lois de l'architecture. Mais tel quel, avec ses profils gauches, sa façade ocreuse qui ressort sur le rideau vivement nuancé des bois, son