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DU CHEVALIER DE BOUFFLERS. 333 BOUFFLERS. (En soupirant.) Merci, mes bons amis, je pars ce soir. LE MARQUIS. Comme tu dis cela ! BOUFFLERS. Hélas ! j'en conviens, mes illusions envolées, mes rêves évanouis m'ont laissé au cœur une blessure qui ne se cica- trisera de longtemps. Là COMTESSE (à part). Pauvre jeune homme ! LE MARQUIS. Tu te consoleras, poète, en faisant quelque autre rêve. ALINE. A propos de rêve, j'en ai fait un bien joli la nuit dernière ; puisque monsieur en fait aussi il serait bien bon de m'expliquer le mien. BOUFFLERS. De grand cœur, chère enfant, quel était ce beau rêve? ALINE. J'ai rêvé d'abord que je me mariais. LA COMTESSE. Ce songe n'a rien d'extravagant, et comme je l'ai promis depuis longtemps, une semaine après mon mariage tu épouseras André. ALINE. Oh ! que je suis contente... J'ai rêvé ensuite que quel- qu'un me donnait une jolie dot. BOUFFLERS. Tuas de l'esprit, Aline, et comme l'esprit, dit-on, court les rues, il faut qu'il soit bien vêtu.(Lwi donnant une bourse.) Voici d'abord pour ton trousseau.... j'aviserai pour ta dot. ALINE. Oh! monsieur, merci, vous êtes trop bon... qu'ai-je fait pour mériter tout cela? LE MARQUIS. Ce que tu as fait,je vais te le dire : la laitière delà fable fut battue pour avoir cassé son pot au lait; toi, tu es dotée pour avoir cassé le tien. ALINE.-(Rie cherche à comprendre). « Pour avoir cassé le tien?...»(4 part.JAh! je comprends .'...encorel'histoire du vallon. On aura fait accroire à ce bon marquis que c'était mon pot au lait, tandis que c'était celui de Ce n'est pas moi qui me char- gerai de le détromper. Au fait, peu m'importe ce que l'on pen- sera, pourvu que je sois certaine que ce n'est ni moi ni mon fiancé qui avons payé les pots cassés. Eugène FLOTARD.