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338 ÉTUDE SUR L'AFRICAINE. vieillie dans le culte des trois castes, prêtres, soldats, peu- ple. La phrase si calme dite par les cuivres fait un contraste charmant avec les rhythmes sautillants qui l'entourent. Et lorsque les développemenls semblaient épuisés , lorsqu'une strette a pédale de basse se déroule sourdement comme une fatigue de l'orchestre, le crescendo s'accentue, les trom- pettes éclatent, Sélika paraît sur son palanquin resplendis- sant et la phrase musicale jaillit vigoureuse, pleine de lu- mière et d'extase. Voila un véritable effet d'instrumentation! Les plus indifférents ne peuvent y rester insensibles. Après une scène assez bête, grâce au libretto où Vasco cherche a toucher ses bourreaux les Indiens, en leur décla- rant qu'il va mourir deux fois si on lui ôte la vie et l'immor- talité... — qu'est-ce que ça peut leur faire a ces sauvages?— après cette scène, dis-je, le compositeur vous enlève dans les hauteurs orchestrales et chorales. Il n'y a pas à analyser ici, il faut écouter et se laisser charmer. Le récit de la bé- nédiction est d'une grandeur achevée; les trois accords de trombones, qui servent de prélude, montrent que Meyerbeer ne redoutait pas les fautes d'harmonie lorsqu'elles pouvaient lui servir a rendre un effet. Et le duo ! certes, il n'a pas le dramatique de celui des Huguenots. Il s'agit tout simplement d'un homme qui vient de boire un philtre amoureux et subit l'effet de la petite pré- paration pharmaceutique versée par les prêtres de Brahma. Mais quel délire suave, quel feu ce poison indien fait naître dans ses veines, quelle morbidesse extatique! Vraiment c'est de la musique qu'il ne faut pas trop analyser, on irait trop loin. Pour finir, le chœur dansé parmi des voiles de gaze ; un gazouillement tropical, au milieu duquel vient se perdre le refrain d'Inès. C'est pour Vasco le remords dans l'ivresse, mais la cérémonie nuptiale continue , toujours chantée , toujours dansée. Inès aura tort.