page suivante »
490 TIC-TAC. visage régulier, le teint magnifique. D'épais cheveux ondes, de cette nuance ardente chère aux maîtres vénitiens, illuminaient comme une splendide auréole son front, peut-être trop élevé au point de vue classique. Par une piquante fantaisie de la nature, ses sourcils bruns, fièrement dessinés, surmontaient des yeux vraiment noirs, alors voilés par les larmes, mais d'habitude rayonnants de franchise et de gaîtë. La bouche petite, les lèvres colorées, un peu fortes, respiraient la bonté, tandis que leurs fermes contours annonçaient de la décision et une volonté p u i s - sante. L'ensemble des traits offrait un singulier mélange de dou- ceur et d'énergie qui surprenait d'abord et charmait ensuite. La taille n'avait pas atteint son entier développement, mais les-riehes promesses du corsage et les lignes harmonieuses des épaules méritaient déjà l'attention de l'artiste. Anselme pouvait avoir trente-six ans II était tout à fait imberbe, comme il arrive souvent aux paysans de l'Est, qui n'en sont pas moins d'autres gaillards que nos calicots à tous crins. Barba non virumprobat. Maigre, osseux, nerveux, solidement charpenté, il chargeait d'une seule main une balle de cent kilos. On n'eût pas trouvé de meilleur ouvrier à vingt lieues à la ronde. Apre au gain, laborieux, exact, jamais ses patrons ni ses pratiques ne l'avaient surpris en défaut. Avec cela, il avait une instruction suffisante, c'est-à -dire qu'il connaissait les quatre premières règles de l'arithmétique et rédigeait passablement une lettre de commerce. Par contre, sa physionomie n'inspirait nullement la confiance. Sa prunelle bleu-terne avait l'obliquité du regard particulière à la race féline. Joignez à cela un nez effilé, recourbé sur des lèvres pâles, des joues blêmes sous le hâle, des cheveux raides, bas plantés, châtains à la racine, roux à la pointe, comme le poil de loup, un crâne déprimé, des oreilles tournées en avant, et lisez sur ce masque terreux : cupidité, fourberie, égoïsme. Le prêtre sortit au bout d'un quart d'heure ; il devait revenir le lendemain avec les saintes huiles et le viatique. Mais la femme mourut pendant la nuit. Quelques jours après, Henriette retourna au couvent, et Claude Anselme demeura seul maître au moulin. Il est bon de constater qu'une clause du testament signé par