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                              TIC-TAC.                            489
père je me trouvai seule à diriger la maison. Dieu merci, je n'ai
pas à me reprocher d'avoir perdu mon temps; peut-être même
ai-je trop travaillé!... mais je suis tout à fait ignorante. On me
trompait et je me trompais dans les comptes ; tout alla bientôt de
travers ; nous marchions vers ia ruine. Je pensai qu'en mettant
dans mes intérêts un homme capable et vaillant, les affaires s'ar-
rangeraient et j'épousai notre premier garçon , aujourd'hui ton
beau-père. Ce n'est pas un méchant homme : il aime trop l'ar-
gent, voilà tout. Je ne me plains pas de lui. Entre ses mains,
la terre et le moulin ont prospéré. Tu es riche, mon Henriette.
J'ai tout prévu, je laisse à Anselme 10,000 fr. et la moitié du
revenu de ton héritage jusqu'à ta majorité. Il avait droit à cela
pour son travail ; mais sa part est assez belle. Quand il sera
 temps, tu te marieras. Les partis ne le manqueront pas; aie soin
de bien choisir. Alors tu agiras avec ton beau-père comme il aura
agi envers toi : s'il a été bon, tu le garderas pour associé ; s'il a
 été mauvais, rappelle-toi que tu es la maîtresse. Quand je ne
 serai plus, — du courage, ma fille, — quand je ne serai plus, tu
 retourneras au couvent. Je t'y ai envoyée trop tard et je désire
 que tu aies toute l'instruction qui m'a manqué. D'ailleurs, que
ferais-tu ici? Autant que possible, ne reviens que pour te ma-
 rier !
    En cet instant, un vieux prêtre entra suivi d'un homme de
 haute et robuste stature.
     — Comment vous trouvez-vous, Victorine? dit l'homme. Vous
 avez demandé M. le curé, le voilà ; mais je pense que rien ne
 pressait
     — Je erois tout le contraire, Anselme; les forces s'en vont, il
 me semble que ma cervelle se fond ; sortez, je vous prie ; sors,
 mon Henriette, l'heure est venue de songer à mon âme.
     Henriette et Claude obéirent : celle-ci pour aller donner un
 libre cours à son désespoir, celui-là pour relire un papier timbré,
 qui était tout simplement le testament de sa femme.
     Outre la différence de l'âge et du sexe, il y avait entre ces deux
 êtres un contraste si complet qu'ils semblaient ne pas appartenir
  à la même souche ethnographique. Henriette avait quinze ans, le