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336 ÉTUDE SUR L'AFRICAINE. tant remarqué que les auditeurs novices sont revenus de VAfricaine la mémoire bourrée de motifs. Motifs excentri- ques, difficiles a rendre, mais qui n'en laissent pas moins dans le souvenir une trace ineffaçable. Le plus saillant en ce genre est la mélodie des Rives du Tage, chantée par Inès, mélodie au contour bizarre, se dé- roulant sur un renversement de septième mineure et qui pourtant, pour me servir de l'expression énergique d'un au- diteur du parterre, vous fiche une intonation dans la tête. La prière des évoques qui vient ensuite a le défaut d'être chantée ordinairement par des choristes qui ne savent pas vocaliser, et c'est une vigoureuse vocalise depuis le com- mencement jusqu'à la fin. Aussi ce chœur, qui fait beaucoup d'effet a Paris où les évêques sortent du Conservatoire, donne en province l'impression d'une foule qui se gargarise. Toute cette scène du conseil est une des mieux réussies de l'opéra, l'intérêt est constant et va toujours en grandis- sant ; les oppositions y sont bien ménagées , les développe- ments ingénienx et bien en situation ; l'orchestre et les masses chorales y sont traités de main de maître. Du reste il s'agit du combat de la science contre la superstition, et tou- tes les fois que Meyerbeer a eu, dans ses opéras, a traiter les grandes luttes religieuses, il l'a fait avec un rare bonheur et peut-être avec une secrète joie toute judaïque. Ne serait- ce pas dans un sentiment semblable qu'Halévy a puisé les belles pages de sa Juive? L'acte de la prison semble être un défi jeté à ceux qui prétendent qu'il n'y a pas de morceaux dans cet opéra. L'air du sommeil, le chant de Nélusko, enfin l'admirable septuor qui, à Lyon notamment, a été chanté avec un style et une fusion au-dessus de tout éloge, sont là pour répondre. Je sais bien que dans les mélodies de Meyerbeer il y a tou- jours un endroit où il déroute l'auditeur. Est-ce un parti