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DU CHKVALIER DE BOUFFLERS. 325 LA COMTESSE (se mettant entre eux). Ah ! messieurs, de bons amis comme vous vont-ils se quereller pour une chose de si peu d'importance ? De quoi s'agit-il en effet? le marquis insiste pour voir ce portrait, et vous, chevalier, par un sentiment fort louable, vous prétendez ne le montrer qu'avec l'autorisation du modèle. Eh bien! puisqu'Aline n'est pas ici, moi, une femme comme elle, je vais prendre la parole à sa place.- « M. de Boufflers, vous dit-elle « par ma bouche, pourquoi hésiter à montrer mon portrait ? Si « le marquis ne me connaît pas, qu'importe qu'il voie mes traits? « et s'il me connaît, s'il a ou croit avoir quelque intérêt à savoir « "quelle est la personne que vous appelez Aline, oh ! alors il im- « porte encore moins, car je ne puis tenir à l'opinion d'un « homme qui, sur la foi d'un conte, d'une bluette échappée à « l'imagination d'un conteur fantaisiste, s'imagine de me soup- « çonner sérieusement, de concevoir sur mon honneur les doutes « les plus injurieux , montrant clairement par son insistance à « connaître mes traits, la bassesse de sa jalousie et la petitesse « de son caractère. » LE MARQUIS (à part). Que dit-elle ! LA COMTESSE. « N'hésitez donc pas , chevalier, à montrer ce « portrait, c'est toujours Aline qui parle , puisque dans un cas « comme dans l'autre, il ne peut y avoir pour moi le plus petit « inconvénient ; M. le marquis a juré d'être discret et l'on sait « que s'il lui manque certaines autres qualités, il a du moins celle « de tenir fidèlement ses promesses.» N'est-ce pas ainsi, mar- quis , que devrait parler Aline , si elle se trouvait ici à ma place ? LE MARQUIS {balbutiant). En vérité, madame... je ne sais... (à part). C'est égal, je crois avoir deviné juste. LA COMTESSE. Allons, M. de Boufflers, puisque l'arrêt est pro- noncé, exécutez-vous de bonne grâce. BOUFFLERS (à part). J'ai une idée qui peut tout sauver (Haut.) Qu'il soit lait, madame, selon votre décision. Marquis, tu vas voir ce portrait. (Il ouvre le carton et fait semblant de chercher). Il est, autant que je me le rappelle, car je ne l'ai pas vu depuis mon dé- part pour l'armée, sur une feuille de vélin ; au bas est écrit le