page suivante »
DU CHEVALIER DE BOUFFLERS. 315 faite est une dans sa diversité, et partout où il la rencontre mon œil charmé voit une seule et même personne, vers laquelle s'élance mon cœur brûlant d'amour... Oui, madame, en vous je revois Aline et je vous aimerais, comme je l'aime, comme je l'aimerais toujours si vous n'étiez fiancée à mon meilleur ami, si la froide raison n'enchaînait les élans de ma passion. LA COMTESSE (à part). C'est un fou décidément. (Haut.) Je veux bien croire, chevalier, puisque vous me l'affirmez, que les por- traits charmants que trace votre plume sont pleins d'exacti- tude; mais vous m'accorderez du moins qu'il n'en est pas tout à fait de môme de vos récits. Dans l'histoire d'Aline, par exemple, les choses se sont-elles bien passées comme vous lès racontez? BOUFFLEISS. Ah! Madame, si vous avez lu ce récit, l'ardeur, l'entraînement, la passion qui l'animent et l'inspirent d'un bout à l'autre sont de sûrs garants que je n'ai rien inventé, que je n'ai fait que dépeindre les impressions brûlantes de mon cœur. LA COMTESSE. Vos impressions d'accord ; mais avez-vous r e - tracé avec la même fidélité les événements mêmes, les diverses circonstances de l'aventure, par exemple la façon dont vous avez abordé la jeune fille, dont vous lui avez pris la main? BOUFFLERS. En quoi ces détails insignifiants peuvent-ils vous intéresser, madame ? LA COMTESSE. Mais, chevalier, qu'y a-t-il de plus intéressant pour nous autres lecteurs, que de connaître les procédés au moyen (lesquels les écrivains d'esprit, d'imagination... de génie! composent ces œuvres admirables qui font nos délices, que de savoir au juste la part qu'ils donnent à la réalité et celle qu'ils accordent à la fiction. Ainsi, pour en revenir à votre histoire d'Aline, dont le fond est vrai, très-vrai., n'est-ce pas, che- valier? BOUFFLERS. Parfaitement vrai, madame. LA COMTESSE. Eh bien, qu'avez-vous fjouté à ce fond primitif? BOUFFLERS. Rien absolument. LA COMTESSE (à pari.) Quelle effronterie. [Haut, avec un peu de dépit.) Excusez-moi si j'insiste, mais il me semble impossible