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314                       UNE AVENTURE

l'un de rnes meilleurs amis ; aussi, comme tout ce qui l'intéresse,
m'intéresse également, dès que j'ai appris ses projets de mariage,
ai-je vivement désiré connaître la personne avec laquelle il doit
s'unir et dont l'éloge me revenait de toutes parts.
    LA COMTESSE. Cet empressement est infiniment flatteur pour
moi, chevalier. Mais avec vos idées et vos principes que parta-
geait le marquis, n'avez vous pas été surpris d'apprendre ces
projets ?
    BOUFFLERS. Si j'avais pu en être surpris, madame, je ne le se-
rais plus du moment que je vous vois. Les grâces n'ont jamais
enfanté tant de charmes !
    LA COMTESSE. Par pitié, chevalier, ne m'incendiez pas des
étincelles de vos madrigaux. Je ne suis pas une femme à la mode
et je ne sais pas répondre aux compliments.
    BOUFFLERS. En vous louant, madame, on ne saurait faire des
 compliments ; on ne peut qu'énoncer des vérités.
    LA COMTESSE. Vous voyez les gens à travers le prisme de vo-
 tre imagination poétique.
    BOUFFLERS. L'imagination n'a que faire là où la vérité surpasse
 tout ce qui se peut concevoir. Ici le poète n'a rien à inventer et
 le peintre ne peut que copier un modèle de toutes les per-
 fections.
    LA COMTESSE. Je sais, chevalier, que vous maniez le pinceau
 aussi bien que la plume, et je m'imagine que vous devez avoir
dans vos cartons de bien charmants portraits, car vous avez le
bonheur de rencontrer fréquemment de ces modèles de perfec-
 tion dont vous me parlez.
    BOUFFLERS. Je ne me souviens pas d'en avoir encore admiré
 d'aussi parfaitement accompli que celui que j'ai sous les yeux.
    LA COMTESSE. Cependant le marquis me parlait ce matin d'un
conte dans lequel vous mettez une petite villageoise au-dessus
 de toutes les beautés de la Géorgie et de la Circassie.
    BOUFFLERS. Il est vrai, madame, mais aussi mo.; Aline vous
ressemble.
    LA COMTESSE (àpart). Que dit-il?
    BOUFFLERS. Elle vous ressemble, madame, car la beauté par-