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DU CHEVALIER DE BOUFFLERS. 303 Le MARQUIS. Ah! dites le plus aimable gentilhomme, le plus délicieux écrivain, le plus galant poète ! La COMTESSE. Votre admiration pour M. de Boufflers me ferait presque douter, marquis, do votre conversion à la sagesse et de votre vocation matrimoniale, mais je me sens ce matin en veine d'indulgence, et je ne veux pas vous faire une querelle. Reve- nons-en à la soirée de M me de Givray. Le MARQUIS. Eh bien, lorsque je suis entré , il y avait déjà beaucoup de monde ; on parlait, on s'agitait comme à l'approche d'un grand événement. Je m'informe des causes de cette émo- tion , et j'apprends qu'il est de r e t o u r , qu'on l'a vu le matin même à Nancy, et qu'il doit venir donner lecture d'une de ses dernières compositions. La COMTESSE. 11... Mais qui donc, s'il vous plaît? Le MARQUIS. Ne vous l'ai-je pas dit? Boufflers, le chevalier de Boufflers. En effet, il paraît bientôt en costume de hussard. La COMTESSE. D'abbé , voulez-vous dire ; le chevalier n'est-il pas dans les ordres ? Le MARQUIS. Allons donc, comtesse, VOUS n'en faites jamais d'au- tres, vous n'êtes jamais au courant de la chronique, fût-elle de l'an passé !... Mais ne vous souvenez-vous pas que Boufflers a quitté depuis plus d'une année Saint-Sulpice et jeté le froc aux orties pour aller en Westphalie prendre le commandement d'une com- pagnie de hussards et faire la guerre ? La COMTESSE. La guerre à qui? la guerre à quoi ? Le MARQUIS. A qui? Au fait je n'en sais trop rien, il ne le sait peut-être pas lui-même. La COMTESSE. Le chevalier a donc renoncé au beau bénéfice qu'il avait obtenu du roi en entrant dans les ordres ? Le MARQUIS. Pas le moins du monde ; pour ne pas perdre ce bénéfice, Boufflers s'est fait chevalier de Malte, bien qu'il lui fallût pour cela contracter un vceù de chasteté perpétuelle. La COMTESSE. Vous voulez dire de célibat. Le MARQUIS. Célibat, chasteté, c'est la même chose. La COMTESSE. Pour les chevaliers de Malte peut-être, mais à coup sûr pas pour tout le monde. 20