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306 UNE AVENTUBE Le MARQUIS. Vous ne pouvez vous imaginer l'effet qu'a produit son entrée, c'était de l'enthousiasme, du délire... enthousiasme discret, réservé, de bonne compagnie. Si les hommes l'embras- saient, les femmes le dévoraient des yeux : « Qu'il est bien comme cela ! » disait la petite femme du colonel. « Je l'aimais mieux en abbé, » murmuraient quelques belles dévotes. « Quant à moi, s'écriait étourdimenfc la grande demoiselle de Beaupré, il ne m'a jamais plu autant qu'en costume de chasseur , lorsque je galopais auprès de lui aux grandes chasses du roi Stanislas. » « Que sera-ce donc quand vous l'entendrez , mesdames , re- prenait la femme de notre président à mortier, il dit si bien les vers ! » Il les fait mieux encore, ne pouvait s'empêcher d'exclamer madame de Givray, et il en a fait souvent pour moi, » ajoutait-elle, en se rengorgeant, comme si on ne le savait pas assez. Chacun ainsi de dire son mot et de faire sa remarque. Boufflers, cependant, après avoir salué toute la société et adressé un compliment gracieux à chaque dame, nous a amusés quelques instants par le récit de sa fuite du séminaire et de ses campagnes de Hongrie. Se rendant ensuite au vœu général, il a tiré de sa poche un petit manuscrit pour nous en donner lecture : « Ce que je vais vous lire, mesdames, a-t-il dit alors du ton le plus gracieux, est un conte, mais ce conte est vrai, c'est un récit encore inachevé, et j'espère , grâce à votre concours, pouvoir bientôt le terminer. » Ces paroles ont excité la curiosité géné- rale, et on a supplié le chevalier de s'expliquer : « Oui, belles dames, a-t-il dit alors, vous prendrez pitié de mon tourment et vous m'aiderez à finir ce conte, ou plutôt cette histoire, en m'en faisant retrouver l'héroïne, la belle Aline , que je n'ai vue qu'une fois, qu'un instant, carie soir même du jour où je la rencontrai, je partais pour la guerre. C'est non loin d'ici, dans un vallon char- mant où je me reposais, après m'être égaré à la chasse, qu'Aline m'est apparue il y a un an bientôt. Ce n'est qu'une petite pay- sanne, mais la plus jolie, la plus gracieuse, la plus séduisante des paysannes ; je reviens bien résolu à chercher ses traces, à la dé- couvrir, dussé-je pour cela fouiller tous les vallons, toutes les