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BU CHEVALIER DE BOCFFLERS. 303 que tu es si impatiente, puisque tu m'obsèdes avec tes regrets, tu es libre, tu peux à l'instant partir pour Blamont et rejoindre ton prétendu. ALINE (pleurant). Mais pas du tout, madame la comtesse, pardon, ce n'est pas ce que je voulais dire... Je disais que je n'aurais pas regretté Blamont si j'avais pu savoir du moins le motif de votre tristesse et de votre brusque départ.... Et voilà que vous me grondez, que vous me chassez.... Maudit mariage, va, je n'en parlerai plus, je n'en veux plus. La COMTESSE. Allons, calme-toi; je t'ai mal comprise, j'ai tort... mais, vois-tu, je ne sais pourquoi, cette métairie , ce vallon, ce ruisseau... Il y a là , dans ce souvenir, quelque chose qui m'im- patiente et me met hors de moi. ALINE. Ah ! je l'ai bien remarqué et j'ai toujours pensé que vous aviez eu ce matin-là quelque ennui, quelque contrariété. D'autant plus qu'en m'en retournant au château , je trouvai au détour du chemin, derrière les saules, votre joli pot au lait brisé en vingt morceaux, et puis, comme je regardais autour de moi, j'aperçus dans le lointain un cavalier monté sur un grand cheval et suivi de trois ou quatre lévriers, qui galopait à travers champs. L'idée m'est alors venue que le cheval ou les chiens vous avaient effrayée, et que de là venait la cause de votre émotion et de votre lait répandu. La COMTESSE. Tu as peut-être raison. Mais quittons ce sujet qui m'est pénible... Le marquis est-il venu ce matin ? ALINE. Non, madame; il n'est pas encore midi, et vous lui avez interdit votre porte avant cette heure-là . La COMTESSE. Il est vrai... Dis-moi, Aline, crois-tu qu'il m'aime bien ? ALINE. S'il vous aime ? A la passion, à la folie ! Il le faut bien, puisqu'il avait juré cent fois de ne jamais se marier, et qu'il ne cesse à présent de vous supplier de fixer le jour du mariage. La COMTESSE. Ah ! je veux bien le croire, ma bonne Aline, j'ai tant besoin d'être aimée! Mariée à l'âge où l'on n'est encore qu'une enfant, avec le comte de Larcy que je n'ai vu qu'un jour et qui, trois semaines après notre union , se faisait tuer à la guerre, je