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ANECDOTES SUR VOLTAIRE (D Il est peu d'étrangers amis des lettres passant dans nos con- trées qui ne fassent un pèlerinage au château de Ferney, si long- temps habité par le génie le plus universel du dix-huitième siècle. Le séjour d'un grand homme est une source féconde de réflexions et de souvenirs; on aime à voir les horizons qui l'inspirèrent, les avenues que foulèrent ses pas, le banc où ii se reposait, la ter- rasse d'où ses regards se promenaient autour de sa demeure, Il semble qu'on doive y retrouver quelques-unes de ses pensées, et la lecture de ses œuvres a plus de charme faite dans les lieux mêmes où elles furent composées. Or, un jour que je parcourais un volume des poésies légères de Voltaire, assis sur le mur de la terrasse du chà leau de Ferney, un cultivateur âgé vint s'y reposer près de moi ; je n'eus aucune peine à entamer la conversation avec lui ; une splendide matinée de juin, en 1819, avait ouvert son cœur à l'allégresse et sa bouche aux joyeux propos. Je profitai de son entrain verbeux pour lui demander si, dans sa jeunesse passée à Ferney, il n'avait pas connu l'auteur d'Alsire, et il se trouva que non-seulement il l'a- vait vu souvent, mais que plus souvent encore il avait volé des fruits dans son verger,-je désirais pourtant connaître des choses plus intéressantes que celle-là , et comme je le mis en veine, il me débita une foule d'anecdotes , parmi lesquelles j'en trouvai quelques-unes qui me semblèrent assez curieuses pour ceux qui s'intéressent aux moindres détails de la vie d'un grand homme. Puis, lorsqu'il eut fait jaillir de sa mémoire, comme aulant de fusées, ses petites historiettes, il m'offrit, pour le bouquet, d'a- cheter une canne de Voltaire,que celui-ci avait donnée à son frère. • Oh! non, mon cher Monsieur, lui répondis-je, j'en ai déjà emplette quatre et ne vois pas la nécessité d'en augmenter le nombre; mais, pour se servir d'autant de soutiens, il aurait fallu qu'ainsi que Briarée M. de Voltaire eût au moins cent bras, et (1) La Revue, qui n'a pas encore ouvert de.souscription pour élever une statue à Voltaire, ni même envoyé ses cinquante centimes à M. Havin, croit devoir compenser cette négligence en accueillant quelques pages d'un de nos plus aimables collaborateurs. En sa qualité de Genevois, M. Petit- Senn est riche en anecdotes sur le patriarche de Ferney. Nous !e re- mercions de s'être souvenu combien nos lecteurs aiment sa prose vive, spirituelle et toute française. A. V.